Chronique

Big Fish

Big Fish

Julien Soro (ts), Léa Ciechelski (as), Gabriel Midon (b), Ariel Tessier (d).

Label / Distribution : Auto Productions

Les chiens, les oiseaux… les poissons. Le moins qu’on puisse se dire, c’est que le volubile saxophoniste Julien Soro n’a rien contre les animaux. Après son remarqué Sweet Dogs où l’on retrouvait le batteur Ariel Tessier (également dans le beau trio Players), c’est l’extension de Dancing Birds que l’on découvre ici avec le contrebassiste Gabriel Midon. Big Fish n’est pas une configuration inconnue, puisque la quatrième lame, Léa Ciechelski à l’alto, avait déjà été invitée sur l’album du trio ; on se souvient d’ailleurs d’une impressionnante reprise de « Dig A Pony » des Beatles et surtout d’une vraie complicité entre les deux soufflants. Sur une base rythmique extrêmement solide, où la contrebasse de Midon montre tout le panorama de sécheresse qu’il peut offrir, les soufflants peuvent se lancer à corps perdu dans une discussion riche où la discorde n’est pas de mise.

« Le lion de Cléopâtre », encore un nouveau venu dans le bestiaire, en est le plus riche exemple : la batterie de Tessier bouscule une contrebasse qui n’avait pas attendu ça pour se mettre en branle, et de tutti en accélération commune, Soro et Ciechelski trouvent dans le mouvement perpétuel de leurs compagnons l’occasion de mettre en avant un jeu sec, anguleux et très contemporain que Gabriel Midon, très en verve, n’a de cesse d’accélérer. Sans rupture, l’alliance entre les saxophonistes offrent de très beaux climats. Sur « Bruine », c’est une rêverie atmosphérique qui naît dans les timbres, le jeu très sensible et simple de Léa Ciechelski complète fort bien le jeu très coloriste de la batterie. La saxophoniste se nourrit de plus en plus de la musique improvisée ; cela se ressent et va à l’essentiel.

Globalement, le gros poisson qu’incarne le trio est plein de quiétude. Lorsqu’il se prend à devenir plus vif-argent, sur « Eaux Troubles », c’est à la suite d’une approche très atmosphérique ; on sait Ciechelski très intéressée par la musique répétitive, elle montre ici avec Julien Soro l’opiniâtre nécessité d’aller explorer ces terrains, qu’Ariel Tessier ponctue d’un solo très en rupture offrant à Julien Soro l’occasion de se montrer plus anguleux. Et de lancer une nouvelle belle course sur « Bartók’s Holiday » qui tient davantage de course au fanion que d’une discussion érudite avec Einstein sur la plage. Big Fish est un bel orchestre remuant avec quatre artistes qui savent faire vivre les dynamiques collectives et qui n’en sont, gageons-le, qu’au début d’une longue collaboration.

par Franpi Barriaux // Publié le 26 mai 2024
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