Tomas Fujiwara Percussion Quartet

Éprouvée depuis de nombreuses années, l’alliance entre le batteur Tomas Fujiwara et la vibraphoniste Patricia Brennan a fait des miracles, tant aux côtés de Mary Halvorson que dans les Triple Double de Fujiwara. Avec Dream Up, c’est encore une nouvelle aventure que proposent ces musiciens mimétiques ; il faut écouter « Mobilize », véritable exercice de style et de dialogue, pour s’en assurer : la batterie roule avec une fluidité rare et emporte avec elle les lames du vibraphone. Mais Brennan et Fujiwara ne sont pas seuls, puisque c’est un Percussion Quartet que présente le batteur : à ses côtés on découvre Tim Keiper, percussionniste apparu déjà avec Brian Marsella et Jon Irabagon, et le Japonais Kaoru Watanabe, spécialiste des tambours taïko et de toutes sortes de percussions nippones qui colorent le propos en élargissant les perspectives (« Komorebi »).

Comme souvent, Tomas Fujiwara s’impose par un style très ample et une discrétion qui le caractérise. Comme dans le disque du 7 Poets Trio, c’est un travail de précision, une mécanique subtile marquée par le liant qu’offre la vibraphoniste. On a le sentiment parfois que Patricia Brennan domine dans un rapport d’équilibre très dolphyen, mais tout cela est vite contrebalancé par la trame solide proposée par Fujiwara dans l’ombre, et les enluminures de Watanabe. « Recollection of a Dance » en est le symbole : la construction paraît d’abord impeccable, bien séparée entre les carillons du vibraphone et le travail des peaux de Fujiwara. Mais ce discours s’efface à l’arrivée des flûtes de Watanabe, seule concession au souffle, et des n’goni mandingues de Keiper. Tout concourt à une prise de parole universelle, pleine de surprises et de dérives aux confins de différents langages. Une prolongation des Triple Double.

« Ritual Pace », à ce titre, est certainement la chimie pure de ce nouvel aspect de la musique de Fujiwara et de Brennan qu’on retrouve également dans le About Ghosts, récent album de Mary Halvorson, avec une sorte de musique traditionnelle venue du fin fond de la modernité, tout comme « Tapestry » et cet échange entre le vibraphone et les divers objets de Keiper dansant sur la grosse caisse de la batterie. Dream Up est un rêve éveillé et augmenté de percussionnistes passionnés par les tangentes mélodiques. Il continue de nourrir une discographie impeccable qui incarne plus que jamais le son d’une famille de musiciens américains.