Chronique

Bruno Chevillon

Hors-Champ

Bruno Chevillon (basse électrique, contrebasse, électronique), Antye Greie-Fuchs (voix sur « Germania » et « Dans sa tête abaissée »)

Label / Distribution : D’ autres cordes

Sur la pochette, un homme élégamment vêtu, coupe de cheveux raisonnable, veste souple et cravate, s’évade du cadre d’une photo en noir et blanc.

Dedans, une musique tout en diagonales, en tangentes et en lignes de fuite, en noir et blanc aussi.
Noires les palpitations mécaniques, les respirations métalliques d’un monde que les échos dessinent tubulaire et souterrain. Noirs les grésillements pulmonaires, les bruits de pas. Blanche, la voix d’Antye Greie-Fuchs dénudée comme un corps vulnérable, dans un collage de mots qui disent pêle-mêle en allemand la désertion, la perte, l’abandon.
Phrases de récupération, issues d’un projet antérieur, décollées, recollées et traduites jusqu’à perdre le sens ou en acquérir d’autres, solarisation verbale. D’autres voix humaines, lointaines et déformées, émaillent la première et la dernière plage : « Dentro ci son le voci » et « Lear-machine » ; tramage des textures sonores, l’humain se dissout, la mécanique pleure et crie.

A mi-chemin entre le corps et la machine, au croisement fugace des trajectoires : la contrebasse, au son humain plus qu’humain. L’instrument comme planche de salut ?

Amateur d’explicite ? Passez votre chemin. Bruno Chevillon ne raconte pas une histoire et ne vous démontre rien : il vous précipite sans sommation dans un univers indéchiffré ; sa musique projective comme un Rohrschach sonore vous rappellera sûrement un moment, un rêve récurrent, un film. Un film à réaliser, peut-être, ou qui existe déjà. En noir et blanc, probablement. A coup sûr, captivant et dérangeant.