Chronique

ESP Trio

Mole’s Home is a Hole

Amina Mezaache (fl), Arnaud Le Coq (g), Mathieu Perrot (b)

Label / Distribution : Autoproduction

On avait pu découvrir il y a quelques années la flûtiste Amina Mezaache au sein du sextet Inama avec La Boîte noire. Riche d’influences diverses et d’une solide formation, tant à la flûte qu’en composition, elle met dans son propos une grande liberté qui puise autant dans la musique savante que dans bon nombre de musiques traditionnelles, en particulier arabo-andalouses.

C’est sans surprise qu’on la retrouve aujourd’hui à la tête du jeune et très égalitaire ESP trio, qui trace son chemin au cœur des musiques sans étiquette. En compagnie du contrebassiste Matthieu Perrot et de l’excellent guitariste Arnaud Le Coq, ESP voyage de tentations chambristes (le très joli « Flood Music » et sa flûte veloutée) en effervescences soudaines empruntées aux musiques urbaines (« Sub » qui semble s’enfoncer dans la pénombre d’une fin de journée)…

Lorsque, plus leste, la flûte se teinte de groove (le bien nommé « Rocky »), la tension naît du frottement de la guitare devenue acrimonieuse avec la flûte, plus métallique que jamais. Dans ces moments électriques, la basse de Perrot porte cette musique en continuel mouvement. C’est lui qui la transbahute vers des plages plus apaisées, plus oniriques, où la musique prend le temps de se déconstruire pour réapparaître dans des images chatoyantes et naïves. La chaleur rougeoyante qui semble traverser Mole’s Home is A Hole trouve son point d’orgue dans « Inchallah System », chaloupant avec bonheur entre rythmiques africaines et emprunts amusés au rock progressif (Matching Mole ?).

Creuset d’influences multiples, ESP s’inscrit, à l’instar de bien des jeunes formations actuelles, dans un ton très urbain qui ne renie aucune influence et les mélange toutes avec beaucoup d’humour (« Perceuse »). Les déboires enregistrés de Perrot sur le quai du RER se transforment peu à peu, entre les craquements de la contrebasse et les ostinatos de ses comparses, en pièce résolument contemporaine qui semble errer dans la ville avant de se terminer en un vain combat entre la flûte et le vrombissement perçant d’une chignole.

Premier album très prometteur d’un trio à suivre de près pour son goût du voyage et de la liberté.