Chronique

Francis et ses Peintres

La Paloma

Label / Distribution : Yolk Records

Mais où est passé Francis ?
On le cherche partout, vous l’avez croisé ?
Rires incontrôlés lorsque l’on s’aperçoit qu’il s’agit tout simplement du pseudonyme du leader de cet atypique collectif. Inutile d’expliquer que Francis Ripolin doit son nom à un produit cher aux peintres en bâtiment. Il est en fait question du saxophoniste François Ripoche qui s’est entouré de Gilles Coronado à la guitare électrique, Christophe Lavergne à la batterie et Fred Chiffolleau à la contrebasse.

Pour ce second album plus acoustique dans l’instrumentation, il faut noter aussi l’aimable participation du chanteur trublion Philippe Katerine. Cette sulfureuse équipe de joyeux lurons se devait d’introduire farouchement ce disque par une sorte de tango, « La Paloma », libéré de toutes traditions castratrices. Plusieurs ingrédients rehaussent la sauce épicée de cette tambouille avec par exemple des rythmiques bissextiles, le timbre acidifié d’une guitare déjantée, un saxophone fou de bruitages. Par la suite, impossible de rater l’enfantine re-visite des tubes interplanétaires de la variété que sont « Capri c’est fini » d’Hervé Vilard ou encore « L’idole des jeunes » de Johnny, avec l’incontournable féminité décalée de la voix de Katerine.

Décidément, personne ne se prend au sérieux d’un bout à l’autre du disque, ce qui oblige l’oreille à rester attentive aux blagues qui se suivent et ne se ressemblent pas. En témoigne l’immense interaction entre les protagonistes lors du remarquable « I Touch, I Break, I Pay ». A noter aussi l’incontrôlable déhanchement que provoque le bien nommé « Oliver Twist ». Transporté par cette dangereuse folie musicale qui s’empare sans vergogne des styles de musique populaire comme le funk ou la bossa-nova, il est inévitable qu’on soit touché à vif par le talent énorme de chaque instrumentiste, chacun vouant sa personnalité à l’homogénéité du groupe.

Si l’analyse osait être approfondie, en dépit du résultat final, il s’agirait de remarquer l’héritage jazzistique du saxophoniste (qu’il s’amuse à décortiquer), d’identifier la subtile utilisation percussive de tous les bruits que peut permettre une batterie, d’être frappé par l’électrique étrangeté des effets soumis au son de la guitare.
Mais comment définir l’indéfinissable avec de simples mots ? Ce projet devient génialissime à travers une autre reprise, « Le douanier Rousseau », une nouvelle fois empreinte de second degré par la voix bucolique de Katerine. Cette constante plaisanterie développe sa fabuleuse envergure à travers le côté brut du son, comme un peintre userait des matières premières : les couleurs dont il dispose. En d’autres termes, l’absence du souci de l’apparence laisse place à un humour redoutable et pittoresque.
Ce collectif déjanté est à découvrir avec l’urgence de la créativité que la scène demande à ceux qui la foulent.