Chronique

Trio SAN

Hibiki

Taiko Saitō (vib), Satoko Fujii (p), Yuko Oshima (dms)

Label / Distribution : Jazzdor Series

Tout commence par une légère brise. Aucun soufflant pourtant dans ce trio nippon formé de musiciennes que l’on a pris l’habitude d’entendre dans bon nombre de projets ébouriffants. Le vent léger de « Hibiki » est d’abord porté par les balais de la batteuse Yuko Oshima, que l’on a pu entendre avec Audrey Lauro ou Guillaume Grenard. Peu à peu, le souffle grossit, se leste d’un piano transformé par les préparations et les interventions au cœur des tripes ; un vibraphone lui répond, comme un double plus cristallin… un carillon qui volette et qui prend de l’importance à mesure que la quête des éléments devient le sujet central de l’album. Plus loin, avec « Yozakura », c’est le piano au timbre devenu mat qui fait corps avec la batterie, pendant que les mailloches de Taiko Saitō incarnent une pluie fine, une percolation lente qui nourrit une flaque grossissante.

On connaît l’alliance entre Taiko Saitō et la pianiste Satoko Fujii. Dans Futari, on retrouve l’air et l’eau. Le piano ample et les mailloches qui peuvent prendre tous les états de la matière, de l’évaporation jusqu’aux glaces les plus imposantes. La relation entre Satoko Fujii et Taiko Saitō est très intime ; les deux artistes parlent un langage commun, celui de la nature. C’est une complicité que l’on retrouve dans le très beau « What You See », où le piano plus erratique et contemplatif accueille quelques légers effleurements de Saitō. Le trio SAN sait faire dans l’infiniment petit, avec un instrumentarium étonnant, un classique pour Taiko Saitō.

On pouvait penser que la personnalité de Yuko Oshima, à priori plus pétulante, pourrait jouer un rôle d’aiguillon. Si la batterie désigne le feu, comme l’élément manquant dans cette quête de matière, il brûle effectivement dans « Ichigo », mais sait aussi faire lentement monter la température, chauffer à la manière d’un soleil d’hiver qui chasserait les brumes passagères. Enregistré sur le label Jazzdor à l’occasion d’un concert à Berlin, Hibiki du Trio San couronne des artistes majeures, à la sensibilité peu commune.

par Franpi Barriaux // Publié le 28 avril 2024
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