Chronique

Human Feel

Gold

Chris Speed (ts, clar), Andrew D’Angelo (as, bclar), Kurt Rosenwinkel (g), Jim Black (dm)

Label / Distribution : Intakt Records

Fort de ses trente ans d’existence, le groupe Human Feel poursuit l’exploration d’un monde qu’il a su créer et dont il parcourt sans relâche les moindres régions en dépit d’un nombre assez limité de disques pour en témoigner (six en trois décennies). Dans le prolongement des précédentes productions, on retrouve le goût pour le syncrétisme musical cher à la scène new-yorkaise underground ayant vu le jour dans les années 80, et dont les quatre membres ont été les ardents participants durant la décennie suivante. Ce melting-pot parfaitement foutraque et dans le même temps unique mêle jazz (free comme plus straight), rock, pop et autres esthétiques sans qu’aucune ne soit autrement repérable que comme une des composantes du processus final.

L’autonomie des musiciens permet de jouer de multiples interactions et les nombreuses modulations orchestrales donnent une vraie diversité à l’ensemble de leurs propositions. Néanmoins, quelques-unes de leurs recettes font encore leur force. Un prédisposition pour le tapage issu d’un rock ensauvagé auquel la batterie frappeuse (mais toujours précise dans les détails) de Jim Black offre un socle solide, un resserrement des voix de Chris Speed et Andrew D’Angelo autour d’une matière sonore qu’ils creusent en travaillant le grain de leur instrument pour dresser des sculptures insolites, des plages atmosphériques enfin d’une étrange douceur qui flirtent avec le contemporain (la clarinette participe pleinement de ces climats, de même que la guitare aquarelliste de Kurt Rosenwinkel).

Riche de cette palette, Human Feel traverse dans Gold toutes les combinaisons et explore, à partir de compositions signées de tous, les possibles avec un savoir-faire indéniable. Si rien de neuf n’est entendu, on peut toutefois noter la réelle interaction entre chaque membre et surtout l’extrême suavité du son qui confine à la tendresse : elle laisse à penser que les motivations profondes qui font que ce groupe perdure sont certainement à chercher du côté d’une solide amitié musicale et d’un amour pour la musique dans ce qu’elle peut avoir, au delà des tumultes et des variations, de naturellement chantant .

par Nicolas Dourlhès // Publié le 17 mars 2019
P.-S. :