Chronique

Jean-Paul Levet

Rire pour ne pas pleurer

Jean-Paul Levet nous avait habitué aux textes, à l’écrit, au sonore. Il est l’auteur du fabuleux « Talkin’ that talk’ », bréviaire indispensable à qui souhaite décoder les paroles du blues et du jazz, le double langage issu d’une période des Etats-Unis où dire tout haut ce qu’on pensait menait souvent à la pendaison dans les branches d’un sycomore.
Loin d’abandonner le corpus de textes chantés dans le blues entre 1925 et 1960, il l’illustre cette fois-ci visuellement. Près de 160 photographies en noir et blanc, signées d’une dizaine de photographes et non des moindres, représentent les villes et campagnes américaines de la première moitié du siècle dernier. Paysages urbains, ruraux, portraits d’hommes et de femmes, d’enfants, gros plan, évocation de scènes quotidiennes, c’est tout l’imaginaire et le ferment du blues qui s’offre au lecteur. Levet a donc choisi, pour chaque cliché, une phrase appropriée issue d’une chanson, d’un blues. L’auteur a choisi de traduire systématiquement les paroles en français, ce qui donne lieu à quelques contresens, mais qui n’apporte rien dans la mesure où la situation des Noirs dans l’Amérique Blanche ne se traduit pas. La plupart des textes sont signés de bluesmen noirs, la plupart des photos de photographes blancs, tous américains. La mise en page originale et le soigné de l’ensemble (format, papier, couleurs, polices) en fait un très bel objet, à consulter régulièrement, pour se souvenir de ce temps là, pour en rire, pour ne pas pleurer.