Chronique

Julien Grassen Barbe

Loup Vert

Julien Grassen Barbe (p, clav), Sébastien Bacquias (cb), Fabien Duscombs (d)

Label / Distribution : Modulor Records

Ne cherchez pas le nom de Julien Grassen Barbe dans votre discothèque de jazz, vous ne le trouverez pas. Après une solide formation classique au Conservatoire de Tarbes, il œuvre dans la musique expérimentale, la pop, le rap, des choses carrément acrobatiques, mélange les trucs et les genres. On a ainsi pu le voir avec Ozédo pour un album plutôt hip hop. Cette diversité des genres et des styles participe bien entendu à ce premier album. Reste que le jazz était toujours là, tapi, prêt à surgir. C’est un voyage à New-York – il y rencontre une palanquée de musiciens dont Aaron Parks, Aaron Goldberg et Barry Harris – qui est, avec l’initiative du producteur Julien Galner et du label HIDD, un des éléments déclencheurs.

De son apprentissage pianistique dans les Hautes-Pyrénées, il garde un réseau d’amitiés musicales et géographiques dont fait partie Fabien Duscombs, batteur qui ravit les mélomanes amateurs de choses succulentes. On trouve enfin sur cet album Sébastien Bacquias, membre comme Duscombs du du trio Fish From Hell et du collectif toulousain Freddy Morezon dont on ne dira jamais assez combien il propose de projets admirablement excentrés.

Alors, si l’orchestration est un classique piano, contrebasse, batterie, la musique de ce trio est innovante ; les trois musiciens font des allers-retours entre des aspects familiers, « Au bord du bleu » par exemple, et des formes plus aventureuses et tout aussi enthousiasmantes : « Le Vaisseau ivre », à l’essence rimbaldienne, est une improvisation collective d’une minute. Quant à « Gnossienne n°2 », jouée au piano électrique, c’est chez Satie que ces trois-là sont allés en chercher la matière. Il faut entendre comment la batterie de Fabien Duscombs est ici mystique. Écarquillez les yeux, c’est génial !

Le résultat est plus que probant : on flirte avec la leçon magistrale. Car cet album de douze morceaux complètement variés est traversé par un fil directeur : ce travail de lien entre la matière sonore et les mélodies. Le trio propose en effet de faire le trait d’union entre ces deux axes de la musique sans pour autant faire de compromissions dans un sens ou dans l’autre. On ajoutera que, si les influences et les citations sont nombreuses, rien n’est copie. Ainsi si « Les Cyprès de Noxubee » fait penser au trio d’Esbjörn Svensson – les fans d’E.S.T. ne manqueront très certainement pas le rendez-vous – il n’y a pas l’once d’un pillage ou d’une copie bêtement admirative.

par Gilles Gaujarengues // Publié le 30 avril 2023
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