Chronique

Keyon Harrold

Foreverland

Keyon Harrold (tp), Chris Dave, Marcus Gilmore (d), Nir Felder, Randy Runyon, Justus West (g), Burniss “Boom” Travis, Brandon Owens (b), Greg Phillinganes, BIGYUKI, Shedrick Mitchell, Jahari Stampley (p, elp, synth), Jahi Sundance (platines)

Label / Distribution : Universal

Dans la famille du jazz hip-hop en provenance d’outre-Atlantique, le trompettiste Keyon Harrold se pose là. Ses inflexions soulful et bop au service de phrases épiques et poétiques en font l’un des plus sémillants héritiers de Freddie Hubbard et Miles Davis - il jouait d’ailleurs les partitions de ce dernier pour la BO du film Miles Ahead en 2015. Wynton Marsalis, pourtant autoproclamé gardien de la tradition, voit en lui rien de moins que « l’avenir de la trompette ».
Sideman surcoté des stars du hip-hop et du R’n’B (il a joué aux côtés de Snoop Dog, Jay-Z et Beyoncé, en passant par Rihanna), il propose sur ce deuxième album en tant que leader des « prods » issues du meilleur des musiques urbaines. Il convie ici le rappeur conscious Common, la chanteuse nu-soul anglaise Laura Mvula, et Robert Glasper au piano. Il esquisse aussi des horizons post-bop au service de l’émotion pure, notamment sur de somptueuses ballades. Certains titres prennent même des accents « proto-jazz » par l’utilisation de percussions haïtiennes.
Keyon Harrold a souvent mis son art au service du mouvement Black Lives Matter ces dernières années. Lorsqu’il dédie un titre à sa mère, décédée du COVID-19 (faut-il rappeler que la pandémie a fait des ravages chez les afro-américains du fait d’un système de santé étasunien particulièrement défaillant à leur égard ?), ou bien à son fils, victime d’une violente agression raciste, on entend une colère légitime sortir de son instrument, néanmoins nimbée d’une tendresse infinie. Des oxymores qui sont le signe d’un grand artiste.

par Laurent Dussutour // Publié le 28 avril 2024
P.-S. :

Avec : Common (voc), Laura Mvula (voc), Robert Glasper (p)