Chronique

Marcotulli, Lê, Negri, Allouche…

Zapping

Label / Distribution : Promo Music

Autant l’annoncer d’emblée, ce Zapping de rentrée est une relative déception, et ce en dépit du sextet de luxe (Nguyen Lê, Joël Allouche, Furio Di Castri…) et surtout d’un projet audacieux consistant à rapprocher les univers musicaux de deux grands iconoclastes (dans leurs genres respectifs) : Thelonius Monk et Frank Zappa.

Tout partait pourtant sur les chapeaux de roues, avec la même évidence que le fameux thème de Monk. Sur un rythme effréné et des samples de Bush, Cheney et Giuliani (des « terrorism ! » scandés avec une redoutable efficacité), on retrouve en effet des à-coups et une progression harmonique redoutables que n’auraient pas reniés Monk et Griffin. Et nous n’en sommes qu’à deux minutes du début ! Les chorus de Nguyen Lê et Eric Vloeimans parachèvent cette ouverture très groovy.

Alors, que peut-il donc bien nous arriver de terrible ?

La suite est certes plaisante (« Skippy », « Coffee Break Da Mario »), mais l’énergie est clairement retombée, comme un soufflé trop joli pour être consistant. On tend l’oreille pour saisir les influences, ici de Monk, là de Zappa. Ce n’est pas forcément évident, mais nous disposons d’un livret détaillé. Nous apprenons ainsi que le joliment titré « God Shave The Queen » est une pièce zappaesque - étrange, cela sonnait pourtant un peu comme le Pat Metheny Group. Les « Twenty Small Cigars » perdent le côté polisson que le clavecin de la version originale savait leur apporter. Il en reste toutefois un beau thème mélancolique à la clarinette, totalement transfiguré.

On pourrait poursuivre l’énumération des allusions, citations, etc. « The Monk Page » recèle pas moins de quatre emprunts à l’intéressé. La folie reprend quelque peu ses droits par l’entremise du très inspiré Eric Vloeimans ou de Mauro Negri qui sait également se montrer sauvage à l’alto, comme l’atteste son intervention sur le dernier morceau. Nguyen Lê, dont nous avons peu parlé, est pourtant magistral dans son jeu saturé.

La fin du disque compense donc le flottement du milieu mais nous étions en droit d’attendre autre chose de ces brillants musiciens. La faute peut-être à un manque de puissance en milieu de terrain (la section de cuivres) ? On sent aussi une relative étroitesse dans le dimensionnement temporel des morceaux, qui ne prennent jamais tout à fait leurs envols. Il est néanmoins probable que ce projet musical s’exprimera bien plus lisiblement, cet automne, dans l’atmosphère libre d’une salle de concert.