Chronique

Mike Reed

The Separatist Party

Mike Reed (dms, perc), Rob Frye (ts, fl, perc), Cooper Crain (g, cla) Dan Quinlivan (cla), Marvin Tate (voc), Ben LaMar Gay (tp, flh)

Label / Distribution : Astral Spirits

Au carrefour de nombreuses musiques vectrices d’émancipation, du blues au hip-hop en passant par le rock le plus clandestin, la ville de Chicago a toujours été synonyme de mélange. Mieux : de créolisation des expressions et des instruments. C’est ce qu’illustre depuis des années le panel de musiciens choisis pour traverser l’Atlantique avec The Bridge. C’est, de manière plus radicale encore, ce qui anime la collection Exchange de Veto Records. Chicago a cette histoire ; le batteur Mike Reed est peut-être celui qui l’exprime le mieux de nos jours, avec son vieux compère Ben LaMar Gay qui n’est jamais loin. On se souvient de l’incroyable Flesh & Bone qui réunissait quelques-uns des musiciens de The Separatist Party en 2018, comme de l’alliance de Reed et Gay avec une poignée de Papanosh dans Think Big. Ce nouvel album paru sur le label Astral Spirits continue à explorer cette veine, avec une approche plus radicalement affranchie, à l’image de « We Just Came to Dance », où la guitare de Cooper Crain fait monter en tension un orchestre qui pimente d’un rock de guingois un Spoken Word qui évoque une lointaine transe.

The Separatist Party tire d’ailleurs son nom d’un titre de Flesh & Bones. On y retrouve les textes et la verve de Marvin Tate dont nous dressions un portrait il y a quelques mois. Il fait des étincelles dans le très beau « Hold Me Hold Me » où l’entente entre la trompette de Ben LaMar Gay et la batterie construisent un environnement où l’urgence est un préalable. Autour de la guitare solaire de Cooper Crain, on retrouve ses compagnons de Bitchin Bajas, le claviériste Dan Quinlivan aux boucles hypnotiques et le multianchiste Rob Frye que l’on avait pu entendre dans Crying Out Loud avec Dan Bitney, le batteur de Tortoise. Si la direction prise par Bitchin Bajas a des reflets krautrock [1], on ne peut nier une infusion de toutes les facettes de ce qui bâtit la musique de Chicago et dont Mike Reed nous livre ici un très beau panorama.

Né encore une fois dans le tourbillon des confinements, The Separatist Party est annoncé comme le premier d’un cycle de trois albums. Il y a dans cette rencontre très aboutie une forme de minimalisme bienvenue dont le groove serait le point central, à l’image de « Rahsaan in The Semgeti », où la batterie s’entête face au dialogue pugnace de Frye et Gay, enveloppé dans les nappes épaisses de Quinlivan. Reed nous propose ici un projet à la fois simple et très ambitieux.

par Franpi Barriaux // Publié le 21 janvier 2024
P.-S. :

[1On écoutera l’étonnant Bajas Fresh pour s’en convaincre.