Chronique

Monniot Chevillon Vaillant

Freestyles

Christophe Monniot (s, p), Bruno Chevillon (cb), Franck Vaillant (dm)

Label / Distribution : Le Triton

Renouant avec un jazz libertaire peu soucieux de la forme, le trio Christophe Monniot / Bruno Chevillon / Franck Vaillant se jette dans l’arène de ce live enregistré au Triton avec une gourmandise de jeu qui se nourrit de toutes les propositions. Avec un appétit aussi vorace que foutraque, se succèdent ainsi une série de vignettes inventées dans l’instant, nouvelle preuve de la capacité de ces musiciens à entretenir une conversation à la fois informelle et de haut vol. Réceptifs au moindre appel, les trois s’accommodent ainsi de toutes les idées qu’ils transforment aussitôt en un échange pertinent. Restant toutefois dans le grand langage du jazz, les humeurs partagées traversent alors tous les climats, des plus mouvementées et dynamiques comme sur “Free Funky” à des atmosphères plus statiques ou des tourneries sans fin. Peu importe en effet le sujet abordé, l’important reste le style et l’audace que l’on met à le développer.

En cela, les saxophones de Christophe Monniot sont bien évidemment fédérateurs. Papillonnants, tourbillonnants, leur instabilité même est gage de courses-poursuites stimulantes pour ses camarades. Complétés par des effets électroniques qui leur donnent de l’écho ou de la profondeur, ils semblent en effet ne jamais être où ils sont réellement. De temps à autre au piano, avec moins de virtuosité, Monniot installe des ambiances étranges (“Free Ambiant”) et parfois tendues dans lesquelles l’attention qui s’égare abandonne l’idée de trouver une finalité à tout ça. Peu importe pourtant : la séquence suivante, ballade généreuse et conviviale (“Free Ballad”) ramènera tout le monde dans le giron d’un jazz plus traditionnel au sein duquel la contrebasse de Chevillon, généreuse et volubile, proposera des traits virtuoses et chantants avant d’être une nouvelle fois atomisée sur la piste suivante.

C’est dans la reprise du “Lonely Woman” d’Ornette Coleman que se trouve en réalité le secret de ce trio. Faisant venir le thème de très loin, soutenu par la batterie fournie, éclatée et parfois bruitiste de Vaillant, les trois finissent par construire dans l’espace même de cette liberté une entente mutuelle qui échafaude un édifice aussi peu attendu que solide. Prenant l’auditeur dans un étau qu’il n’avait pas vu venir, ils l’embrassent chaleureusement dans un partage aussi passionnel que grisant.