Chronique

Omar Sosa

Mulatos

Omar Sosa (p, Fender Rhodes, vib, marimba, tubular bells, perc, voc, samples), Dhafer Youssef (oud), Renaud Pion (cl, bcl), Dieter Ilg (b), Philippe Foch (tablas, bowl), Steve Argüelles (dm, scratches), Aziz Arradi (voc, guembri, qarqabas), Paquito D’Rivera (cl)

Label / Distribution : Night & Day

Le pianiste cubain Omar Sosa poursuit avec Mulatos son inlassable travail de mélange des cultures et de respect de la tradition. Tradition, car le disque s’appuie sur un socle cubain, plus ou moins marqué selon les morceaux ; mélange, car à part Sosa lui-même et Paquito D’Rivera invité sur une poignée de titres, les autres musiciens n’ont rien de latin. Par ailleurs, Omar Sosa démontre à nouveau l’extrême étendue de sa palette d’interprétation au piano : la fougue d’un jeu percussif (qui trouve dans ce disque son apogée lorsque Sosa est au marimba) dans « Ternura » et sous forme de block chords dans « Dos Caminos », l’exaltation d’un jeu déstructuré, d’esprit monkien, dans « 3zero », mais également l’apaisement et la sensibilité de « Lyawo », superbe ballade à la Keith Jarrett, ou de « La Llamada ».

Le résultat est passionnant, grâce à la fusion des atmosphères aussi bien qu’à l’improbable association d’instruments aux antipodes les uns des autres, tels les tablas, le oud ou le marimba. Omar Sosa dit de ce disque : « Ce n’est pas une fusion superficielle d’éléments hétérogènes qui rendrait compte de la diversité de la musique actuelle ; c’est l’intuition que toutes ces traditions ont fondamentalement à voir les unes avec les autres et qu’il est temps de les réconcilier, de les faire chanter de la même voix… » En effet, dans Mulatos, ce désir sincère de mélange se manifeste par la légèreté avec laquelle sont intégrés les différents instruments. Dans « La Tra », la surprise naît d’un solo de clarinette basse inattendu sur une progression modale chaloupée, ou encore, dans « Ternura », des sonorités tziganes d’une clarinette perdue au milieu de rythmes cubains syncopés. Dans la ballade « Reposo », les tablas se situent en arrière-plan et appuient avec discrétion le rythme cubain du morceau ; seule leur sonorité évoque l’Inde. De même, le oud de Dhafer Youssef : l’exposition du thème à l’unisson avec la clarinette basse donne l’illusion d’un unique instrument imaginaire, improbable croisement de cordes et de vent. Et plus tard dans ce même morceau, le chorus de Youssef est particulièrement brillant car il parvient à évoquer la musique arabe sans utiliser les gammes qui la caractérisent. Encore une fois, le point d’appui est le son de l’instrument, qui suffit à rappeler la tradition qu’il incarne.

C’est là toute l’intelligence de Sosa (qui signe toutes les compositions et arrangements) : porter l’ouverture à son paroxysme, rester soi-même tout en étant citoyen du monde, offrir à chaque musicien de grandioses espaces d’expression et d’écoute.