Chronique

Rémi Charmasson Quintet

The Wind Cries Jimi

Laure Donnat (voc), Rémi Charmasson (g, arr), Perrine Mansuy (p, B3 Hammon, Korg SV1), Bernard Santacruz (b), Bruno Bertrand (dms), Julien Gaillard (g solo sur « People Get Ready »)

Label / Distribution : Ajmi Series

La montagne Hendrix. Pour la gravir, faut-il emprunter les voies les plus prestigieuses, essayer de les parcourir plus rapidement, plus sportivement que les prédécesseurs ? Faut-il ouvrir un nouveau passage, qui éclaire l’œuvre d’une lumière nouvelle ?

Rémi Charmasson et son quintet privilégient une approche médiane, restant fidèles à l’affection particulière du gaucher de Seattle pour la composition, tout en reléguant au second plan son image, la plus célèbre, de guitar hero. Certes on entend sur The Wind Cries Jimi quelques soli d’anthologie - en particulier dans « Wait Until Tomorrow », déferlement d’énergie saturée sublimée par la pédale wah-wah et les effets de superpositions. Mais le choix du répertoire indique clairement que le groupe préfère se concentrer sur des morceaux plus écrits. On ne trouvera donc pas ici les « Hey Joe », « Wild Thing », « Purple Haze » et autres « Red House », titres subissant certes de véritables traitements de choc lors des concerts de Hendrix mais harmoniquement plus minimalistes. Le quintet a retenu des titres représentant bien l’essence de la composition hendrixienne et insistant sur son côté « pop » : « Burning of the Midnight Lamp », « One Rainy Wish », « Little Wing »… Les digressions harmoniques de Perrine Mansuy contribuent largement à révéler encore davantage cette richesse d’écriture. Par ailleurs, les arrangements mettent en valeur les morceaux en tant que chansons, notamment grâce à l’interprétation de Laure Donnat, véritablement habitée par les textes qu’elle s’approprie magistralement en contournant la mélodie et poussant très loin l’art du rubato.

On pourra s’étonner d’entendre, en fin d’album, « People Get Ready » de Curtis Mayfield : ce dernier ayant exercé une influence significative sur Hendrix, on y verra une manière de le contextualiser dans les années soixante, au lieu de le restreindre à une météorite qui aurait tout changé en moins de quatre ans. La longue citation de « Hey Jude », à la fin de « The Wind Cries Mary », relève de la même démarche.

La plus belle réussite de The Wind Cries Jimi est de donner envie de réécouter Hendrix. Non pas pour préférer l’original à la copie, mais pour redécouvrir toute la richesse d’une œuvre parfois masquée par la démesure purement guitaristique du musicien.