Tribune

RIP Roger Guérin, trompettiste de jazz…


Né en 1926 Roger Guérin partage son enfance entre l’école et le cinéma rural qu’anime son père. À l’âge de de huit ans, il prend ses premiers cours de violon, sans doute influencé par son grand-père paternel, qui accompagnait au violon les chansons sentimentales de sa femme. A onze ans il joue de la trompette puis du cornet dans une fanfare de Mézières. Il continue le violon quelques années, mais il a attrapé le virus de la « trompinette ». L’écoute de Hot House (Parker et Gillespie), le concert de Gillespie à Pleyel en 1948 et les disques d’Armstrong font le reste…

Dès lors tout s’enchaîne : Guérin travaille la méthode de Jean-Baptiste Arban ; présenté par un ami membre du Hot Club, il entre dans l’orchestre d’Aimé Barelli et, en 1948, sur les conseils de son professeur, suit la classe de Raymond Sabarich [1] au Conservatoire de Paris. Fort de ses Premiers prix de trompette et de cornet, Guérin tourne le dos à une carrière classique, de peur d’« être assis sur la même chaise tous les jours pendant 40 ans » [2].

Dans les années 50 le trompettiste travaille beaucoup avec l’orchestre de Barelli, diverses formations de jazz et des orchestres de variété (Yves Montand…) car : « la variété, c’est plus sérieux pour gagner sa vie que le jazz » [3]. Mais le jazz reste au centre de sa passion et, reconnu pour sa technique et ses qualités musicales, Guérin s’affirme comme un partenaire de choix. La plupart des musiciens de l’époque font appel à ses services : Claude Bolling, Tony Proteau, Charlie Parker, son ami Dizzy Gillespie (1953, 1962), Don Byas, Bobby Timmons, Benny Golson, Bernard Peiffer, Bobby Jaspar, Quincy Jones… et même Louis Armstrong (Newport, 1958) et Duke Ellington (1960). Il fait également partie des Double Six en tant que chanteur, collabore avec le Jazz Groupe de Paris d’André Hodeir et joue le fameux solo de la chanson « Armstrong » de Claude Nougaro [4]

Dans les années 60, Guérin s’essaie au free jazz mais n’est pas convaincu : « cette liberté, je me demande à quoi elle sert » [5]. Il s’éloigne alors du jazz et devient chef d’orchestre du Casino de Paris pendant quelques années. A partir des années 75 il se consacre à l’enseignement, tout en continuant de jouer avec des groupes de jazz, notamment les big bands de Martial Solal [6].

A 84 ans, dont plus de soixante consacrés au jazz, Roger Guérin ne s’était pas encore arrêté, mais il a fallu qu’une chute accidentelle dans un canal, samedi 6 février 2010, mette fin à une vie vouée à la musique…

par Bob Hatteau // Publié le 8 février 2010
P.-S. :

Sources :

  • Jazz Hot (cf note 2).
  • Dictionnaire du Jazz - Robert Laffont.

[1Également professeur de Maurice André.

[2Entretien avec Michel Laplace et Félix W. Sportis, in JazzHot n° 593, septembre 2002.

[3Cf note 2.

[4Sur l’air de « Go Down Moses ».

[5Cf note 2.

[6Avec Tony Russo et Éric Le Lann, Guérin fait partie des trois trompettistes du Dodecaband et de l’album Plays Ellington.