Entretien

Robert Peyrillou et le Lot gagnant

Robert Peyrillou, directeur artistique et Président de Souillac en Jazz raconte le festival

Robert Peyrillou © Marc Pivaudran

Issu de la presse associative, radio et presse écrite, Robert Peyrillou a intégré Souillac en Jazz en 1985 en tant que directeur artistique. 37 ans de programmation continue donc, et l’occasion d’un regard rétrospectif sur le festival lotois, le plus ancien d’Occitanie.

Michel Petrucciani, Serge Glissant et Robert Peyrillou D.R.

- Vous êtes aux manettes de Souillac en Jazz depuis le milieu des années 1980. C’est remarquable car peu de personnes ont été aussi longtemps à la tête d’un festival. Commençons donc par les débuts. Comment avez-vous intégré le festival de Souillac ?

C’est une longue histoire. Je venais au festival de Souillac en tant que journaliste. J’y animais au début des années 1980 des émissions de radio. Je n’étais pas dans l’association mais je connaissais et fréquentais les bénévoles. Et puis en 1985, Sim Copans et Jean-Pierre Bailles m’ont demandé de m’occuper de la programmation. Jean-Pierre qui était président a dû quitter Souillac, Sim avait 73 ans et ne suivait plus l’actualité du jazz.
Comme les autres bénévoles n’étaient pas bien connaisseurs de jazz, ils se sont tournés vers moi. En revanche, au départ de Jean-Pierre, c’est Sim qui est devenu président. Sim est resté président jusqu’à sa mort en 2000 et c’est à son décès, et parce que personne ne souhaitait l’être, que je suis devenu président de l’association en plus d’assurer la direction artistique.

j’ai voulu amener plus de modernité, j’ai programmé Elisabeth Caumont, Martial Solal, Art Blakey


- Le festival a été fondé en 1976 : un des plus anciens en France, soit dit en passant. Vous y arrivez au milieu des années 1980. Est-ce qu’il y avait à votre arrivée l’esprit des débuts ? Je pense tout particulièrement à Sim Copans.

Il faut se replacer dans le contexte des années 1970 et 1980. C’était le tout début des festivals. Il n’y en avait que très peu et d’ailleurs Souillac est le plus ancien festival de jazz d’Occitanie. Il y avait moins de musiciens aussi. Les premières années, le festival était organisé en trois soirées dont l’une était dédiée à la scène régionale, une autre pour un musicien d’envergure nationale et enfin une dernière consacrée à un musicien américain. La programmation n’était pas swing mais assez classique pour tout dire, même s’il y avait eu Kenny Clarke ou Jean-Charles Capon en solo. A mon arrivée, j’ai voulu amener plus de modernité. Sur mes premières années, j’ai programmé par exemple Elisabeth Caumont, Martial Solal, Art Blakey ou Quest. En fait, le jazz s’est ouvert et nous avec lui. Quest a été un grand tournant. D’ailleurs, certains musiciens qu’on a programmés par la suite m’ont dit « je suis venu à Souillac comme spectateur. C’était pour Quest ». Et puis il y a eu, à cette époque, Jean-Michel Pilc ou les frères Moutin qui sortaient à peine des études à Toulouse.

d’un point de vue esthétique, je me fiche de la nationalité des musiciens, ce qui importe c’est la musique qu’ils proposent


- On imagine volontiers qu’un événement culturel aussi ancien ne survit pas sans adaptation et qu’il doit nécessairement évoluer.

Le festival a grossi. Ce n’est pas une énorme machine, loin de là, et ça reste à taille humaine. Mais alors que sur les premières éditions on était à trois jours de musique, on est maintenant à huit jours. On a monté des partenariats avec le cinéma, avec les grottes de Lacave dans lesquelles on organise depuis bientôt vingt ans maintenant des concerts, avec des villages alentours aussi. On a augmenté en volume. Par contre on n’est plus dans un partage entre scène régionale, scène nationale et scène américaine. La programmation de musiciens régionaux est maintenant dans le off du festival et c’est important que la scène locale ait voix au chapitre. Mais, d’un point de vue esthétique, je me fiche de la nationalité des musiciens, ce qui importe c’est la musique qu’ils proposent.

L’arrivée de partenaires privés a changé la donne aussi. Au départ on n’avait quasiment que des partenaires publics. Puis on a démarché des commerçants, des artisans, des entrepreneurs. Il y a eu des départ de bénévoles qui ne se retrouvaient plus dans certaines musiques, l’arrivée d’autres qui, eux, au contraire, s’y retrouvaient. Et c’est d’ailleurs une de mes fiertés que de faire découvrir à des bénévoles et au public certaines musiques et certains musiciens. Le partenariat que nous avons avec l’AJC et Jazz migration entre d’ailleurs dans cette démarche.

Robert Peyrillou © Marc Pivaudran

- Un festival de musique, c’est bien entendu et avant tout un événement culturel mais ça relève également de l’aménagement du territoire. C’est le cas avec Souillac en Jazz ?

On a fait une étude avec le département en 2018. Les retombées financières par édition s’élèvent à 230 000€, essentiellement sur les trois jours forts. Quand on convertit en création d’emplois, ça correspond à 1,5 emploi à temps plein par an. C’est important. Alors bien entendu, le festival y est pour beaucoup mais pas seulement. Les partenaires, je pense aux Mairies de Souillac et alentours, au Département, à la Région, aux privés, y contribuent. Il faut avoir conscience que, sans eux, on n’existerait pas.
On est un territoire rural et touristique. Un festival de jazz c’est donc un événement important. Qu’on puisse proposer des concerts dans un beau cadre est donc essentiel. Qu’ils soient sur la place entre le beffroi et l’abbatiale, dans une grotte ou une église, c’est inspirant pour les musiciens. Mais ça l’est aussi pour les spectateurs. Quand les spectateurs sont face à l’abbatiale, ils sont déjà prêts à réceptionner la musique et ça favorise les beaux concerts.