Chronique

Rouge

Vermeilles

Madeleine Cazenave (p), Sylvain Didou (b), Boris Louvet (d) + Kate Stables (voc), Tony Paeleman (prog, synth).

Label / Distribution : Label Bleu

Trois ans après Derrière les paupières, le trio Rouge emmené par la pianiste Madeleine Cazenave revient au premier plan avec un deuxième album, Vermeilles, paru chez Label Bleu. Cette formation, que nous avions pu suivre lors de l’édition 2021 du festival Nancy Jazz Pulsations, avait su faire montre d’une personnalité déjà très affirmée, liée tout autant à la culture classique (perceptible par exemple sur ce nouveau disque dans l’introduction de « Granit ») de celle qui en écrit tout le répertoire qu’à sa posture volontiers militante, symbolisée à l’époque par la composition « 4 % » (un pourcentage qui exprimait la part des femmes dans les musicien·ne·s de jazz). À quelques variations près, tel le recours au synthétiseur de Tony Paeleman ou l’apparition du chant par la voix de Kate Stables, cette formation (où l’on retrouve Sylvain Didou à la contrebasse et Boris Louvet à la batterie) poursuit son travail, dans la droite ligne du premier disque. Les influences de la musique impressionniste française restent toujours présentes au cœur d’un langage dont l’esthétique volontiers « pop » et minimaliste n’est pas sans rappeler l’univers d’un autre trio, celui du regretté Esbjörn Svensson (flagrante dans « Feu » notamment). On y retrouve un même appétit pour des compositions en tension, parfois évanescentes, parfois plus fougueuses et accidentées, mais animées d’un constant souci de façonner un climat aux couleurs oniriques et méditatives.

Si Rouge s’écarte volontiers du chemin tracé par les trios historiques du jazz, c’est pour mieux regarder vers une possible fusion des styles et dessiner les contours d’une musique qui sait d’où elle vient mais veut dépasser son héritage en regardant autour d’elle, aujourd’hui, sans s’interdire la possibilité d’un ailleurs. Vermeilles n’est pas un disque joyeux, mais plutôt l’expression d’une conscience de notre monde, entre inquiétude et espoir. Il est surtout une affirmation, celle de la maturité d’une musicienne qui, non sans une certaine discrétion mais avec une grande sensibilité, sait désormais faire entendre sa propre voix.