Chronique

Sébastien Llado Quartet

Avec deux ailes

Sébastien Llado (tb), Julie Saury (dm), Leïla Olivesi (p), Bruno Schorp (b)

Label / Distribution : Les disques de Lily

Sébastien Llado aime toutes les musiques, sans exclusive ni élitisme. C’est un adepte de « la ligne claire » : de la musique avant toute chose, du lyrisme et un groove intense.

Il continue, depuis sa première expérience - avec le septet des Spicebones - à intégrer toutes les influences et à revendiquer certains métissages. Il attaque ainsi cet album joliment intitulé Avec deux ailes par une reprise musclée et jubilatoire du classique de Michael Jackson « Billie Jean » sans parti pris, comme il avait choisi de revisiter « Stairway to Heaven » bien avant que l’hommage à Led Zepelin de l’ONJ Tortiller.

Ce tromboniste inspiré, amoureux fou de l’instrument qu’il pratique sans relâche, ne manque jamais de célébrer ses maîtres, du formidable Frank Rosolino (surdoué de l’époque West Coast) à l’improvisateur et praticien, « inventeur » de la technique des multi sons, Albert Mangelsdorff (virevoltant « Tranz Tanz » du pianiste Wolgang Dauner). Toujours curieux, Llado devint vite un adepte des conques après avoir entendu Steve Turre, qui l’initia ensuite tout naturellement aux conches et autres charmants coquillages ; d’où ce clin d’oeil amusé à « Coquillages et crustacés » suivi de la « Magrade », hommage tendre à B.B, celle de « Et Dieu créa la femme », dans le Saint-Tropez originel, petit port de pêcheurs connu des seuls peintres du début du XXe.

Si vous aimez l’instrument à coulisse, avec ou sans sourdine, les compositions du Catalan (LLADO, avec deux ailes) offrent des passages expressifs où le trombone est dans tous ses états. Sans contourner la nature particulière de son instrument, avec humour, il en utilise toutes les nuances, jouant du son le plus feutré au plus gouleyant, sans négliger les glissandos et autres effets de colonne d’air. Un maître du growl, avec un phrasé très mobile ! Mais ses chorus de cuivre, toujours pêchus s’entendent aussi en interaction avec une rythmique ardente : la combinaison des timbres très étudiée, frappe juste.

Car quelle que soit la taille de la formation, en quartet, en trio, ou en plus grand ensemble, Llado a l’étoffe d’un leader, sait s’entourer - en l’occurrence de musiciennes aguerries comme Julie Saury (la batteuse de son quartet très féminin), et Leïla Olivesi, pianiste enthousiaste, toujours convaincante (revoilà les deux « elles »…).

Tout en ayant gardé un côté dynamiteur, prêt à tirer sur ce qui groove, Sébastien Llado n’en est pas moins sensible et sensuel, comme sur « Cette valse m’usait » avec l’appui du contrebassiste Bruno Schorp.

Enregistré en novembre 2009, en une prise au Sunside (Paris), l’album vibre de l’urgence du live et la musique sait être tendre et forte, incisive, dansante, chantante et désirante.

Comment s’étonner, dans ces conditions, que la séduction soit immédiate ?

par Sophie Chambon // Publié le 28 février 2011
P.-S. :

Les « liner notes » très justes sont rédigées par Jérôme Gransac, qui s’est engagé avec conviction dans la production de cet intense « objet musical » pour Les Disques de Lily.