Tribune

Steve Dalachinsky par Claude Parle

Steve Dalachinsky nous a quittés. Il allait avoir 73 ans. Il a joué avec les plus grands. Sur son lit de mort, avec sa femme Yuko, il écoutait Jackie McLean, Monk, Coltrane, Taylor. Comme dirait Noël Akchoté, il est jazz.


Steve Dalachinsky Galerie Hus par Guy Sitruk

Peau-hème pour Steven

Steve Dalachinsky - Mantis
Cecil Taylor

Zinc, oeuf, solitaire sur le zin’

Éviter ls salicylates ? So … What’s in a bird ? …

The lover’s quarrel * … the lover squirrel ! ! …

That crazy squirrel is gotta hold on me, Steve … since u dis-appear (ed) …

Attrape-t-on les notes comme on croque les noisettes
de bond en bond d’arbre en arbre, de ligne en ligne, de gamme en gamme …
Flûte qui ne m’enchante plus …
C’était donc ça pour toi : (Il n’est) Plus (de) temps de vivre quand la musique est si vraie ! …
Reaching into the unknown …
Rich in the un-known are u ?

Tu gambades & tu sautes par dessus les voyelles comme Sunny frappe ses peaux, tu bascules & tu voles plus que Bird en ses soli enneigés, tu cours & tu cries à t’en extraire les alvéoles…
Il en fleurit des monceaux de roses en gerbes d’éclairs grenats…
Tu vomis les mots comme clusters d’émaux, Von Schlippenbach ricane et Milford Graves se tapit dans un coin…
L’été approche, l’été est fini…
Libération Music Orchestra… Là lala…
Libération finale
Ombre en la saint balle
Cymbale à travers les ponts (de nos naseaux)
Fronts luisants
Les cercles infinis s’éloignant de tout ce que l’on verse
Larmes sans fins s’ébrouant du mieux qu’elles peuvent… aucun remède possible…
La vie continue (pendant les travaux)
La vie, ”à suivre ”…

Plus que ta vie, tu aimas la Vie, celle des mots-sons et motion comme tu sais
La naissance de l’émotion, qui cloue, qui décloue et desclos…
Le marteau sans maître, tu connais ?…
L’âme des arbres enliée dans les cordes des branches, hies, esses, voiles là encore. Ô soins des ors Faivres et autres enluminures gothiques…
Facteurs, oui, ce sont les facteurs dont aussi s’enracine la musique…
Parfois des bois l’immense houle frappe et ravage nos sens…
Nées de l’arbre, ces basses qui nous dérivent aux vents mauvais, au large nous ont délavés et ingérés de force…

Tu écris : "Des années, j’ai tenté d’écrire les sons, la musique dans mon langage, un langage, n’importe quel langage, basé sur ces lettres   ‘ ‘ ‘    ’’’’’
Mouvement remodellelevant…
La rondeur d’un sein éclipsant l’entour d’un cornet, langoureuse extension de la musique des sens … floutage artistique du sillon … Le disque, les seins …
L’essaim des notes, les semages de songs neufs, la folie enfin ! … (ain’t not demo ‘em)
So what ? ! … Mile stones forward …never give up, still throwin ‘em up
En définitive, il n’y a ni règle ni régulation ! …
Traveling …
Steven, enfant, courant hors de souffle dans les rues de Brooklyn, chopant à l’arrache un donuts
Bousculant un passant qui lisait son journal, what the hell ?! … Insultes s’effilochant dans la svelte silhouette, évanescentes, brumes de la ruelle, entre deux blocs, entre deux plocs, entre deux clusters, entre deux … Twilight zone … À dieu ne plaise … Thank u Satan …

Et maintenant ? …

Qui d’entre nous aura la force et surtout le génie de ramasser cet incandescent flambeau tant que sa flamme brûle encore, prompte à l’incension …
Que ses ravages jamais ne s’éteignent sur les crues lénifiantes de nos méphitiques concessions ! …
Tu as écrit que Charles Gayle disait : « Si j’étais honnête, j’arrêterais de manger et mourrais … »

Je ne veux plus dire un mot, je ne veux plus faire une note, je m’empêche même de respirer de peur qu’un son ne sorte …
The final nite … the fine ale night …
C’mon Steve, don’t stay alone ! … u’re a so dapper person, u know ? ! …

William Parker disait que Steve écrit des sons qu’on appelle mots.
Toujours là, prêts à servir, s’inversant pour instituer leur propre logique. Cette poésie (qui) tourne, danse, monte, descend et devient une (sorte de ) doublure de l’âme …
Une doublure à l’âme, il en faudrait bien une, sûrement … Suffisait d’y penser ! … Une doublure à lame …
Amortir les chocs, oui, déniveler les rythmes, arpentages des sons, l’Anatolie** du verbe … c’est cela …

Thus now & for ever, you Steve, have reach the vanished Hittites, through the unknown.

C.P

par // Publié le 29 septembre 2019
P.-S. :

L’usage de l’esperluette (&) au lieu de et ou and, de u au lieu de you, de contractions de mots comme s’ffilochant, de néologismes comme remodellelevant … sont des transpositions de l’écriture de Steve Dalachinsky, et non des erreurs ou fautes de frappe. Certains caractères ne « passent » pas sur ce site, mais c’est sans importance.

  • ”Reaching into the unknown ”, p 158

With this much density hugging the air
There should be no time
for thought of greed
or hugs
No time to be ”real”
when the music is so REAL
just exhale
& hear the tiny clementines
calling.
S.D

  • * Anatolie (ἀνατολή) signifie ”Lever de soleil"
    patrie des Hittites, et de la mythique civilisation de Troie