Chronique

Violeta García

Fobia

Violeta García (cello)

Label / Distribution : Relative Pitch

Découverte de ce côté-ci de l’Atlantique dans le fabuleux quartet de Camila Nebbia, la violoncelliste Violeta García est une preuve supplémentaire de la grande vigueur et de la sophistication de la scène argentine. Pour son second solo, Fobia, García évoque un monstre qu’on subodore intime, de ceux qui hantent les nuits de l’enfance et restent présents comme une persistance malsaine. C’est tout l’enjeu de « Gravedad » et ses bribes d’urgence que délivre l’archet : il y a tout à la fois une tension folle et une énergie qui tient presque du réflexe. On est captivé, dérangé, et l’on se laisse entraîner par une forme d’angoisse très créative, comme sur « Acero » qui joue avec une approche très classique de l’instrument, qui pénètre l’âme.

C’est un sujet que la violoncelliste, qu’il convient absolument de voir jouer tant le geste fait partie de son travail, avait déjà abordé dans le très intéressant El Espesor del Sueño avec le flûtiste Camilo Ángeles ; quelque chose qui ne tient pas seulement du rêve et de ses interprétations, mais de sa matérialisation, ce que l’on entend parfaitement dans « Evil », alors même que ce monstre qu’on prend en sympathie suppure des cordes et de l’archet, se débat dans le craquement du bois et toute la tension alentour. Fobia parle de ces peurs qui confinent au plaisir caché de jouer à se faire peur, des portes qui claquent et des planchers qui grincent ; quelque chose de la gravité de l’enfance qui s’exprime dans cette soudaine accélération de « El Paso del Tiempo ».

C’est sans doute le violoncelle, par sa proximité avec la voix humaine, qui rend l’expérience de Fobia aussi tangible. Le choix de morceaux courts, la sensation de flashes que procurent toutes les prises de risque de García, est également très évocateur. Mais il faut également louer cette capacité qu’a la violoncelliste d’exprimer les sentiments, de leur donner une expression musicale : c’était déjà son rôle chez Camila Nebbia, il s’exprime ici avec toute l’intimité du solo. Un disque radical et pourtant très universel qui exorcise les peurs de l’artiste et parle immédiatement aux nôtres, même celles tapies dans les moutons de poussière, sous le lit.

par Franpi Barriaux // Publié le 4 décembre 2022
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