Chronique

Fabien Mary

Chess

Label / Distribution : Elabeth

Après Twilight en 2002, qui lui y avait valu une reconnaissance unanime, couronné par un Django d’or en 2003 et le prix de la Révélation instrumentale de Jazz à Juan en 2004, Fabien Mary a sorti un deuxième opus chez Elabeth en juin dernier : Chess.

Comme on ne change pas un quarté gagnant, Fabien Mary continue l’aventure avec deux des compères de Twilight, Hugo Lippi à la guitare et Mourad Benhamou à la batterie, mais c’est Fabien Marcoz qui tient la contrebasse au lieu de Nicolas Rageau. Notre bande de « Normands » (le trio Lippi - Marcoz - Benhamou a enregistré Jazz à Yport en 2000…) se connaît de longue date et gravite dans la sphère de Jazz à Caen, William Chabbey Quartet, Collectif Mu, Jazz Workers Quintet, Jean-Michel Proust Trio, Wadji Cherif

Si l’allure romantique et les airs d’éphèbe de Fabien Mary évoquent Chet Baker, la comparaison s’arrête là. La musique du quartet n’a rien de cool. Au contraire, Fabien Mary et ses acolytes naviguent joyeusement dans les eaux du hard bop. Comme le fait justement remarquer Jean-Michel Proust dans les notes du disque : « Ce Chess est le développement d’un quartet parfaitement rodé, mais sur une thématique personnelle ». Et, de fait, quatre thèmes sont de la plume du trompettiste. S’ajoutent « Philly Twist » et « Monaco » de Kenny Dorham (autre influence de Fabien Mary), « The Fruit » de Bud Powell, « Blue on Blue » de Jimmy Heath et le standard de Crosby - Washington - Young : « I Don’t Stand a Ghost of A Chance with You ». Autrement dit, pas de quoi s’endormir !

Fabien Mary confirme ses talents de musicien : virtuosité utilisée à bon escient (« Chess », « Monaco »), sonorité claire et ouverte, mise en place précise (« Next Week » ou « Philly Twist »). Le trompettiste est également un improvisateur plein de ressources comme le prouve le joli solo de « I Don’t Stand a Ghost of A Chance with You » ou la construction de celui de « Next Week ». Enfin, Fabien Mary se révèle un compositeur astucieux à l’image de l’élégant « Just A Few Days » ou du « classique » « I’m Always Lucky », thème vif qui se prête parfaitement à un développement hard bop. La guitare d’Hugo Lippi - quelque chose de Wes Montgomery avec des touches « burelliennes » - est bien en phase avec le trompettiste (« Monaco »). Soliste inspiré (« Next Week », « First March »), Hugo Lippi a également un sens de l’écoute évident (« Blue on blue », « Chess »). Fabien Marcoz assure un soutien efficace en walking (« Chess », « The Fruit ») et le solo de « I’m Always Lucky » dans le registre médium grave révèle un gros son bien boisé. Quant à Mourad Benhamou, il contribue largement au balancement des morceaux avec ses pêches (« The Fruit »), une bonne pulsation (« Chess »), des stop-chorus bien emmenés (« Philly Twist ») et des solos joliment construits (« Next Week »).

Chess est un disque dynamique (on l’aura compris…) qu’on écoute avec plaisir. Fabien Mary et son quartet ne renouvellent pas le genre, mais le poursuivent de fort belle manière, avec enthousiasme et brio !