
Que le Texas soit une terre de jazz, la chose est établie depuis des années, tant historiquement que par le biais des sorties régulières du label Astral Spirit. Le présent Live At The Texas Theater en est une confirmation, sinon une affirmation. Orgiaque, festif, brillant, l’hommage adressé par les frères González (Aaron González à la basse, Stefan González à la batterie) à leur papa Dennis González, trompettiste et homme de radio décédé en 2022, est l’un de ces disques qu’on garde à proximité de la platine lorsque le besoin d’un coup de fouet se fait sentir. Enregistré à l’occasion de la fête des pères en 2023, ce disque du Dennis González Legacy Band (DGLB) réunit de fortes têtes texanes et des amis du père et des fils qui animaient le fameux Yells At Eels. On y retrouve presque naturellement Rob Mazurek, littéralement en feu, mais aussi le saxophoniste Daniel Kammins ou la chanteuse Lily Taylor, remarquable sur « Song For A Singer ». L’esprit d’urgence et de feu follet de la tribu González est omniprésent.
On connaît bien les frangins González pour le travail qu’ils mènent notamment au sein du Humanization 4tet, mais ici, il s’agit de rendre hommage au père. Le décor est planté avec « Hymn For Mbizo », roborative mise en bouche menée de main de maître par la trompette de Mazurek, l’autre trompettiste, le MC des Young Mothers Jawwaad Taylor dans ses brisures. Le morceau, assez long, se décompose en deux parties, la seconde étant un hommage à un autre trompettiste, Toshinori Kondo. Le résultat est attendu, mais parfaitement réalisé : des explosions free soudaines, une joie communicative et un regard amoureux et acéré sur la musique sud-africaine qu’il avait su faire venir au cœur du Texas avec le très beau Cape Of Storms, et qui perdure ici dans les rodomontades des soufflants, notamment le trombone de Gaika James.
Ce qui frappe ici, comme souvent avec Stefan González, c’est la grande rigueur rythmique de l’ensemble. Même lorsque les débats sont vifs et joyeux, même lorsque la marmite déborde, la structure reste inamovible et sautillante, à l’image de « Namesake » qui est au centre de cet album. Les passages réguliers du batteur au vibraphone - souvent secondé par le saxophoniste Joshua Miller à la batterie - ouvrent des espaces supplémentaires à un orchestre venu faire la fête et qui ne s’interdit rien, surtout quand il s’agit de porter la musique à ébullition. Le DGLB est un hommage aux disparus comme on les aime, vivant et émouvant. À la mesure de Dennis González.