

Luís Lopes Humanization 4tet
Saarbrücken
Luís Lopes (g), Rodrigo Amado (ts), Aaron Gonzalez (b), Stefan Gonzalez (d).
Label / Distribution : Clean Feed
Les curieux iront du côté de Bandcamp jeter une oreille au premier enregistrement (sorti en 2008) du Humanization Quartet que conduit Luís Lopes depuis 17 ans. Ils découvriront la progression de ce groupe qui, en quelques disques indispensables (deux chez Ayler Records et trois chez Clean Feed), a su gagner en densité et distille encore et toujours une musique notablement énergique. Les plus curieux encore noteront que, dans les trois suites qui constituent ce nouveau disque enregistré live au Free Jazz Saar Festival de Sarrebruck, on croise deux compositions du saxophoniste américain Arthur Blythe (1940-2017). Son jeu extraverti et son écriture primitiviste constituent à coup sûr le mètre-étalon de la formation, à savoir un canevas simple où les musiciens se retrouvent et qui sert de prétexte inflammable à un free jazz roboratif dans lequel tous se jettent avec force.
Autour du saxophone hurleur de Rodrigo Amado qui fouille avec opiniâtreté les profondeurs de son instrument à la recherche de l’exultation, les trois partenaires se montrent particulièrement aux aguets pour le suivre, voire le porter plus loin encore.
Notons la batterie à la frappe sèche et broussailleuse de Stefan Gonzalez qui n’hésite pas à prendre le devant du lead et s’appuie sur les lignes de crête du saxophoniste pour produire des chocs supplémentaires, élevant encore le degré d’embrasement collectif. S’appuyant tout autant sur la basse épaisse et mobile de son frère Aaron Gonzalez (les deux Texans ont longtemps joué avec leur trompettiste de père Dennis Gonzalez dans Yells at Eels), ils sont également capables de se lancer dans un groove heurté et turbulent au sein duquel s’insinue la guitare aux notes métalliques et sèches de Luís Lopes. Accompagnateur adossé à la paire rythmique, le Portugais aiguillonne constamment son compatriote saxophoniste pour lui voler la voix principale lors d’interventions bruitistes à fort volume.
La puissance du groupe, outre les qualités énumérées à l’instant, tient dans le fait de ne jamais faiblir en intensité et de conserver un même niveau d’exigence au long de trois pistes dépassant chacune le quart d’heure. Les années passant, on entend chez eux la même envie d’en découdre. L’esthétique qu’ils se sont choisie et la captation publique (les cris de l’assistance en attestent) sont la preuve supplémentaire que, vécu dans le vif du moment, le groupe trouve son plein épanouissement dans l’urgence d’une musique radicale et généreuse.