Chronique

Marion Rampal

Tissé

Marion Rampal (voc), Matthis Pascaud (g, elb, kb, perc), Pierre-François Blanchard (p, Rhodes), Raphaël Chassin (dms, perc), Sébastien Llado (tb, tuba), Tony Paeleman (kb) + Anne Paceo (dms), Archie Shepp (voc), Piers Faccini (voc), Alma Sarrazac (voc).

Label / Distribution : Les Rivières Souterraines

Il est des disques habités par la grâce. Tissé est de ceux-là, qui vous prend par la manche pour ne plus vous lâcher ; c’est un enchantement dont on ne voudrait jamais sortir.

On connaissait Marion Rampal depuis un bon bout de temps. Souvenir de ses mots et de sa voix du côté des Vertigo Songs de Perrine Mansuy, par exemple. Ou de son travail au sein de l’Attica Blues Orchestra d’Archie Shepp (I Hear The Sound). Ou encore de Raphaël Imbert, au temps de Music Is My Home ou de The Alppalachians. En tant que leader, elle avait su imposer une forte personnalité teintée de blues, ce que démontrait Main Blue. On n’oubliera pas non son Secret, confié en duo avec Pierre-François Blanchard. Tout cela, nous l’avons déjà dit et écrit, nous en avons ici-même souligné toutes les beautés et voilà que vient un disque dont l’apparente simplicité a des airs de vérité.

En onze courtes chansons dont l’une sans paroles, Marion Rampal et son complice Matthis Pascaud, qui co-signe toutes les musiques, convoquent les mondes poétiques qui les habitent, réalisant de facto l’union sacrée entre jazz, blues, folk, soul, musique cajun… tels des « chants mêlés » en forme de miniatures pour inventer un langage bercé par un swing latent. Les mots – français ou anglais – dansent avec toute l’élégance d’une « langue des cœurs coulés ». Le recours aux effets est inutile, c’est au contraire une volonté d’épure qui guide cette déambulation poétique où l’indépendance farouche de la chanteuse – qu’exprime parfaitement le texte de « Still A Bird » – s’affirme en pleine lumière, entre rêverie et questionnements existentiels, portée par une quasi-nudité instrumentale. Bien entourée – Pierre-François Blanchard et Tony Paeleman aux claviers, Raphaël Chassin à la batterie et Sébastien Llado au trombone – Marion Rampal n’a pas oublié d’inviter quelques ami.e.s pour que cette fête méditative soit encore plus belle et accède à l’essentiel. Piers Faccini chante un poème, Anne Paceo joue de la batterie et Archie Shepp, posant son saxophone, chante avec elle un poignant « Calling To The Forest ».

Cerise sur le gâteau, l’objet disque fait l’objet d’une attention particulière : raffinement et douceur des formes, un livret qui se déplie, affichette au recto, paroles des chansons au verso. On aurait envie de dire : comme au bon vieux temps, avant de chasser une pensée nostalgique qui n’a pas lieu d’être car ce présent-là, beau et conscient, est bien le seul qui compte.

Alors voilà : au sortir de ces quelque trente-cinq minutes en état de lévitation, on sent que quelque chose de fort vient de nous traverser. On reste sous l’emprise d’une rencontre, une de plus, avec une grande musicienne – une voix fascinante par ailleurs – qui a choisi d’ouvrir son cœur et son âme sans fard. C’est un très beau cadeau.