Chronique

Ben Wendel

All One

Ben Wendel (ts, ss, basson, effets, perc), Cécile McLorin Salvant (voc), Terence Blanchard (tr), Bill Frisell (elg, g, EFX), Elena Pinderhughes (fl), José James (voc), Tigran Hamasyan (p)

Label / Distribution : Edition Records

Ben Wendel est un touche-à-tout ; son œuvre The Seasons, consacrée aux Saisons de Piotr Ilitch Tchaïkovski, qui mettait en scène une série de duos consacrés aux mois de l’année, a installé sa réputation de musicien prolixe. Alex Dutilh, producteur de l’excellente émission Open Jazz, a permis aux jazzfans français de découvrir le saxophoniste canadien en diffusant l’ensemble de ces duos sur France Musique. Avec ce nouvel opus All One, c’est de nouveau une œuvre conceptuelle qui se déguste, avec un menu composé de six saveurs étonnantes.

L’ouverture de l’album renvoie aux orchestrations subtiles de Gil Evans avec, cerise sur le gâteau, la voix enchanteresse de Cécile McLorin Salvant. La forme structurelle de « I Loves You Porgy » démontre le talent d’orchestrateur de Ben Wendel : rien n’est laissé au hasard afin d’obtenir un rendu musical infaillible. Avec « Wanderers » le climat change : sur une musique de fond répétitive habitée par l’esprit de Philip Glass, la trompette de Terence Blanchard énonce paradoxalement un discours chaleureux. Le basson, dont Ben Wendel joue adroitement pour distiller des lignes rythmiques, donne sa couleur à ce morceau, de même que pour « Speak Joy », habité par la légèreté musicale de la flûtiste Elena Pinderhughes. L’apparition bienvenue de Bill Frisell dans « Throughout » exhale ce parfum éthéré qui fut longtemps sa marque de fabrique avant qu’il n’oriente sa carrière vers les contrées néo-folk. L’arrangement musical est ici somptueux. Un contraste saisissant oppose « Tenderly », habité par la voix de José James flirtant avec les tonalités de baryton de Johnny Hartman, et « In Anima » qui clôt cet album dans une forme de requiem où Tigran Hamasyan joue des lignes mélodiques suspendues qui invitent au mystère.

Avec son jeu au basson, Ben Wendel offre dans All One un discours original éloigné de bon nombre de saxophonistes : ici, seule compte une illustration de paysages construite méthodiquement. Cette diversité de climats installe une atmosphère harmonieuse à l’image de ces profondes confidences.

par Mario Borroni // Publié le 10 septembre 2023
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