Chronique

Doudou Gouirand - Gérard Pansanel

Open Songs

Doudou Gouirand (voc, perc), Gérard Pansanel (g).

Label / Distribution : Autoproduction

De l’ordre de l’intime, Open Songs sacralise l’union de Doudou Gouirand et de Gérard Pansanel. Les nuages irisés d’une lumière de fin de journée symbolisent les musiques du duo sudiste. L’analogie de la pochette peut s’étendre également au sublime « Nuages » de Django Reinhardt car, ici, nulle trace d’amplificateurs ni de pédales d’effets : la guitare sèche apparaît sous les doigts habiles de Gérard Pansanel en compagnie de la voix de Doudou Gouirand.

Comme pour accentuer l’intimisme, notons que ce disque quasi artisanal a été enregistré par les deux musiciens dans leurs home studios respectifs durant les périodes de confinement liées à la pandémie de Covid-19.

On connaissait ces deux musiciens dans d’autres configurations. Gérard Pansanel est pour beaucoup d’aficionados un as de la six cordes électrique et son passage dans le premier Orchestre National de Jazz de Claude Barthélemy l’a imposé tout autant que ses lointains albums chez Owl Records, Calypso en 1984 et Voices en 1992, beautés lyriques où la trompette d’Enrico Rava était mise en évidence.
Doudou Gouirand, lui, a toujours soufflé avec entrain dans ses saxophones alto et soprano en y irriguant les parfums des musiques du monde, bien avant que le terme soit à la mode. Ses collaborations avec Don Cherry et Jeanne Lee démontrent son talent ainsi que son ouverture d’esprit.

Retrouver ces deux compères est un vrai bonheur, tant ils savent se remettre en question en abandonnant leurs phraséologies habituelles. Point de guitare électrique donc, ni de saxophones dans Open Songs. Le pari est osé.

D’emblée, la suavité se fait jour dans l’ouverture du disque avec « The Last Poet ». La mélodie trouve un équilibre onctueux. L’esprit du sud qui imprègne depuis toujours les vies des deux musiciens croît avec « Noches de Cadaqués » où la voix de Doudou Gouirand se fait modulée, belle comme les nuances d’un archet. Avec « Voices For Peace », une voix profonde s’empare du morceau mélodieux, nous transportant comme jadis dans les méandres vocalistes du regretté Jacques Mahieux. « Wishes », tout en douceur, est propice à une certaine mélancolie ; là aussi une saveur fraternelle s’installe avec grâce. Le standard composé en 1944 par Jule Styne avec des paroles de Sammy Cahn, « I Fall In Love Too Easily », qu’aimait particulièrement interpréter Chet Baker, est ici traité avec un timbre harmonieux et inventif. Le phrasé de Gérard Pansanel soutient avec ferveur les intonations vocales comme dans « Comin’ And Goin’ » où la structure interne bénéficie d’une improvisation enjouée.

Cet album se referme avec « Witchi-Tai-To », dérivée d’un chant rituel issu des cérémonies du peyotl, une superbe composition du saxophoniste amérindien, trop sous-estimé, Jim Pepper. Accompagné à l’origine d’un hochet et d’un tambour à eau, ce chant fut enseigné à Jim Pepper par son grand-père et devint la base de ce qui allait être une chanson populaire en 1969, puis un standard de la musique américaine.

Open Songs porte bien son nom : on y retrouve les effluves du blues et du flamenco, du folklore irlandais et du jazz, ainsi que de la musique des cérémonies du peyotl, solennelle et isorythmique. Ces paysages sonores sacralisent l’entente parfaite entre Doudou Gouirand et Gérard Pansanel pour notre plus grand bien.