Chronique

Bigre !

Les Icebergs aussi…

Label / Distribution : Grolektif Productions

Deux ans après un Tohu-Bohu qui traduisait fidèlement l’effervescence et l’euphorie de cette grande formation lyonnaise apte à bousculer les étiquettes et remuer les corps, Bigre ! entreprend un nouveau voyage, toujours aussi cuivré. Avec ses morceaux courts au format pop, Les icebergs aussi… est toujours dirigé par le trompettiste Félicien Bouchot, et les membres de l’orchestre ont peu évolué même si l’on note l’arrivée au pupitre de saxophones de Pierre Desassis, qui confirme, à la grande joie de son père chroniqueur, que les chiens font rarement des chats. C’est donc dans une sorte de continuité, et une formule plus directe, qu’on retrouve la plus dansante interjection de la scène francophone. Cela s’illustre notamment par « Oh Yes ! », gourmandise funky où les éclats des trombones sont zébrés d’éclairs électriques par la guitare de Nicolas Mondon.

Bouchot, qui signe avec le saxophoniste Romain Dugelay l’ensemble des morceaux, n’aime rien mieux que d’embrasser de nombreux univers et de les laisser à leur désordre. La rumba bancale et nostalgique de « Contredanse #1 » conduite par la roborative section rythmique où l’on découvre le batteur Jean Joly, est d’abord un prétexte à malaxer des arrangements qui jouent beaucoup des forces en présence dans la masse orchestrale. A l’inverse, la fausse insouciance festive et collective du « Funky Romanian », qui lui fait suite, laisse beaucoup de place aux rêveries solistes dans les épices colorées des percussions d’Arnaud Laprêt et de Jonathan Volson.

On est heureux de constater qu’après avoir passé l’été à accompagner des chanteurs de variétés dans les festivals, Bigre ! n’a fait aucune concession vis-à-vis son approche personnelle, qui mêle un certain classicisme dans l’écriture pour grand orchestre et une douce folie aux reflets très urbains. Il suffit pour s’en convaincre de se laisser aller aux coups de boutoirs de métal assénés par « Sans papiers » et son ambiance très cinématographique, ou de suivre le pas guilleret des « Icebergs aussi partent en vacances », meilleur morceau de l’album.

Le morceau-titre conte une histoire d’iceberg qui part à New York. Outre que le clin d’œil fera sourire les amateurs de Zappa [1], référence moustachue présente tout au long de l’album, le sens de la narration est impressionnant. Les mouvements amorcés par chacun des pupitres, comme une mer déchaînée par une polyrythmie constante, nous transportent dans un univers où l’échauffement des cuivres est une des causes du dérèglement climatique. Si les icebergs aussi partent en vacances, c’est l’orchestre du Grolektif qui les fait fondre. On n’aura jamais autant applaudi un tel bilan carbone.

par Franpi Barriaux // Publié le 22 avril 2013
P.-S. :

F. Bouchot (dir, tp), P. Desassis, F. Gardette, T. Fontana, M. Guerret, R. Dugelay (s), V. Labarre, H. Salamone, Th. Seneau (tp), L. Bachevillier, S. Chetail, J. Crozat, A. Benoit (tb), N. Mondon (g), A. Perret (keyb), N. Frache (b), J. Joly (dms), A. Laprêt, J. Volson (perc)

[1« Billy The Mountain » avait lui aussi choisi cette destination…