Chronique

Bruno Ruder & Rémi Dumoulin

Gravitational Waves

Bruno Ruder (p, comp), Rémi Dumoulin (ss, ts, comp), Aymeric Avice (tp, bugle), Guido Zorn (b), Billy Hart (dm)

Label / Distribution : Association du Hajeton

Gravitational Waves est une histoire de rencontres. Le pianiste Bruno Ruder et le saxophoniste Rémi Dumoulin se connaissent de longue date [1] et ont très tôt entretenu des rapports plus qu’amicaux (Bruno Ruder appelle Rémi Dumoulin son frère). Lorsque l’idée de monter un groupe ensemble a germé, le choix du batteur fut vite arrêté, tant était grande l’envie de retravailler avec le légendaire Billy Hart [2]. Peu de suspense également quant au reste du casting : à la trompette Aymeric Avice (Radiation 10, Jean Louis, Circum Grand Orchestra) et à la contrebasse Guido Zorn (Rockingchair, Pierre Durand Roots 4tet), deux musiciens parmi leurs favoris. Ruder et Dumoulin se partagent des compositions volontairement très ouvertes (sinueuses et fragiles pour le pianiste, plus directes pour le saxophoniste). Le parti pris étant de laisser le maximum d’espace au batteur américain afin que celui ci colore la partition comme bon lui semble.

Le résultat est à la hauteur des attentes. Gravitational Waves est conçu comme une suite homogène où trône Billy Hart. Avec son jeu subtil et chatoyant, le batteur montre la voie et guide le groupe. La musique se révèle d’une grande beauté, froide et vénéneuse. Chacune des compositions (au cœur desquelles les passages très mélodiques alternent avec des moments beaucoup plus abstraits et improvisés) est un petit moment de bonheur. Le titre éponyme et sa mélodie bringuebalante ; l’aérien « Rainer Werner Fassbinder » aux accents hispanisants ; le chahuté « Charles Ives » où Billy Hart fourmille d’inventions ; « Sagremor le Démesuré », bop mais pas que ; le majestueux « Delectable Mountains Part I », mélodie liquide, symphonie pour cymbales et caisse claire et sa variation hirsute (Part II) ; « Stroszek » ou l’alliage des timbres ; la ballade atmosphérique « L’Ombre », et jusqu’à la sautillante composition finale « Step by Steppes », où tout le monde se lâche une dernière fois avant fermeture.

A l’écoute de ce Gravitational Waves, on est totalement conquis par l’intelligence et la hauteur de vue du propos, soufflé par les qualités intrinsèques de la musique de Bruno Ruder et de Rémi Dumoulin : sens des nuances et des couleurs, fraîcheur, émotion mais aussi exigence formelle et perception de l’espace. Et on se dit simplement que l’on vient d’écouter un grand disque.

par Julien Aunos // Publié le 18 mars 2018
P.-S. :

Le disque a été enregistré lors d’un concert donné à l’Amphi Opéra de Lyon en janvier 2016. Voir le Portfolio du concert
Le livret est illustré des photos de Christophe Charpenel, camarade citoyen.
Le groupe sera en concert les 23 et 24 mars au Sunside à Paris.

[1Ils se sont rencontrés lors d’un stage d’été du Collège de Marciac puis se sont retrouvés sur les bancs du CNSM de Paris quelques années plus tard.

[2Bruno Ruder avait croisé le batteur au sein du trio de Riccardo Del Fra. Quant à Rémi Dumoulin, la rencontre avec Billy Hart a eu lieu lors d’une session de l’ONJ Yvinec, auquel le saxophoniste a appartenu pendant cinq belles années.