Chronique

Caroline

Dog Eats Cat Eats Mouse

Sarah Murcia (cb, SH101), Guillaume Orti (sa, ss, MS20), Olivier Py (st), Gilles Coronado (g), Franck Vaillant (dm)

Label / Distribution : Le Triton

Parallèlement à Never Mind The Future (réinterprétation du Never Mind The Bollocks des Sex Pistols pour le label Ayler Records), la contrebassiste Sarah Murcia a enregistré le nouveau programme de son groupe Caroline dans le cadre d’une résidence au Triton. Loin d’être opposés, ces deux projets sont complémentaires et se situent dans une approche qui chez elle fait recette : le travail de groupe, voire le travail sur le groupe. Car, pour ce qui concerne Caroline, la fidélité aux mêmes musiciens depuis dix ans et après trois disques, permet de développer une pratique collective dont les effets bénéfiques se ressentent dès la première écoute. D’autant plus lorsque celle-ci invite à d’excitantes audaces.

Enrichi par la présence du saxophoniste Guillaume Orti, ce quartet devenu quintet, projette un son d’ensemble compact aussi efficace qu’un groupe de rock. Le parti-pris, d’ailleurs, d’une esthétique qui navigue sur la carte des musiques urbaines et sophistiquées doublé par la parfaite entente qui relie les individualités garantit un résultat solide où chacun campe à sa place, non par étroitesse d’esprit, mais parce qu’il est le mieux à même d’y exécuter la tâche demandée.

Dès lors, tous les possibles sont permis et la construction atypique des sept pistes qui composent ce Dog Eats Cat Eats Mouse est parfaitement représentative de cette démarche. Majoritairement longues, ces pièces s’enchâssent les unes dans les autres sans qu’on sache, au bout du compte, qui du chien, du chat ou de la souris finira par dévorer l’autre en dernier. Car ce parcours est un vrai labyrinthe au sein duquel la contrebassiste aime à nous perdre. Sur des pièces nerveuses comme « L’igloo », les saxophones incisifs d’Olivier Py ou Orti s’enlacent, se déchirent ; ils s’enroulent autour d’une basse grouillant d’un méchant groove parsemé de sons synthétiques. Déconstruisant les attentes les plus convenues, surviennent ensuite des espaces immobiles délicieusement engourdissants (sur « Frogs & Fish » et son antonyme « Fish & Frogs ») au sein desquels la guitare sensuelle de Gilles Coronado (qui peut se faire déglinguée et virulente à d’autres moments) étire le temps jusqu’à la rupture.

Sarah Murcia manie, en effet, avec une rare maîtrise l’art de la tension. Capable dans son écriture d’opérer des bifurcations incongrues qui semblent le départ d’une errance mais sont vite replacées sur les rails par les impacts chirurgicaux de la batterie de Franck Vaillant, elle déroule un univers cinématographique hypnotique et surprenant.