Entretien

Fabrizio Cassol et Baba Sissoko

Après une rencontre très réussie sur disque et sur scène, saxophoniste et griot nous accordent un entretien décontracté.

Depuis la création d’Aka Moon, en 1992, le groupe n’a cessé de multiplier les rencontres entre les continents et les musiques. Après le rock, la musique contemporaine, l’opéra, la musique indienne, andalouse, et toutes celles qui s’inventent, c’est avec les Black Machine du griot Baba Sissoko que l’un des groupes les plus novateurs du jazz européen s’est allié.

  • Baba Sissoko, de quels instruments jouez-vous et pourquoi ceux-là ?

Baba Sissoko - Je joue principalement du Tama. C‘est le premier instrument que les anciens donnent aux enfants. Le Tama est un instrument sacré. Il date de l’empire Mandingue. Il est la base de tout chez nous. Quand tu connais le Tama, tu peux connaître tous les autres instruments. C’est un instrument à percussion qui se joue avec beaucoup d’énergie, beaucoup d’amour... Il faut aimer pour communiquer. Le Tama n’est pas simplement un instrument à percussion qui fait du bruit, il est aussi mélodique. Il peut parler, comme les gens. Ce n’est pas comme le Djembé sur lequel il n’y a que trois notes. Le Tama, lui, n’a pas de limite.

  • Comment fait-on sortir les sons d’un tel instrument ? Ce sont des frappes et des pressions ?

Baba - C’est un mouvement du bras. Si tu étreins l’instrument, la note diffère. Tout se joue avec le corps. Quand tu as la mélodie dans la tête, tu as aussi le groove dans ton corps. Pour que le feeling soit bon, il faut que cela passe bien entre le cerveau et les doigts.

  • Ce ne doit pas être si facile que ça…

Baba - C’est très facile, au contraire : il faut aimer, c’est tout. Aimer faire ce que tu fais. La musique, c’est comme ça. Moi, j’aime ce que je fais, dès que je touche à mes instruments, je suis content. La musique doit sortir. Car je suis vrai et clair avec ce que je dis. Les sons sont mes amis. Avec le Tama ou le N’goni, je fais sortir le son que j’ai en moi à cet instant précis. Sans rien préparer, il faut que ce soit naturel. Et pour cela, tu dois aimer ce que tu fais dans la vie, c’est très important.

  • Vous avez le même rapport avec les autres instruments ?

Baba - Oui, mais différemment. C’est une autre manière de jouer avec, par exemple, le Sinbi, le Kamalengoni, le N’goni ou la Kora… Le Sinbi est l’instrument du chasseur qui n’a pas beaucoup de cordes car il n’a pas besoin de jouer beaucoup de notes [Baba chante]. Tu peux passer toute la nuit avec ça, la seule chose qui change c’est le chant. Tu peux chanter dix morceaux, dix chansons différentes avec la même mélodie, sans changer les accords. [Baba chante à nouveau]. Avec le Tama, tu peux faire sortir ce que tu sens, sans utiliser la voix, rien qu’avec le son de l’instrument. C’est bien plus qu’une percussion. C’est un peu pareil avec les calebasses. Ce n’est pas le même son, mais tu peux t’amuser énormément. Tout dépend de ta capacité musicale et de ta façon de voir le monde. De ton message.

  • Vous parlez de la musique comme s’il y avait toujours un message, une histoire…

Baba - Oui, nous sommes des messagers. La musique est née par rapport à l’histoire du pays. Elle n’est pas née seule. Elle est née par rapport à l’amour, la guerre, la rencontre. À la fin, c’est la seule chose qui reste en vie. Elle vit, comme le vent, comme l’eau, comme la terre, comme le sel. C’est pour cela que la musique est le symbole de la paix. Moi, Baba Sissoko, je dis que la musique est le symbole de la paix. Et quand je joue, je suis content. Ce soir ( [1]), on a joué devant le Prince de Belgique, c’est important ! Mais ce n’est pas nous qui sommes importants, c’est la musique. La musique se joue par rapport aux personnes, au public. Et c’est notre cœur qui parle.

Aka Moon et Baba Sissoko © Jos Knaepen
  • Vous jouez différemment selon le lieu, l’auditoire ?

Baba - Bien sûr, on s’adapte aux situations. Par exemple, avec Signore Dotore Fabrizio Cassol (rires) il n’y a jamais de problème. On n’a pas besoin de préparer pour jouer en duo dans une situation comme celle-ci, par exemple. C’est comme ça depuis que nous nous sommes rencontrés. Il avait la clé, il a ouvert la porte et on est partis. On n’a pas besoin d’expliquer ce qu’on fait, on communique par la musique.

  • Comment vous êtes-vous rencontrés ?

Fabrizio Cassol - On s’est vus plusieurs fois, ici et là. La première fois que nous nous sommes parlé, je ne sais plus où c’était exactement.

Baba - Avec Pierre Vaiana, non ? Non, au Gaume Jazz. Je suis venu t’écouter dans l’église.

Fabrizio - Oui, je jouais de l’Aulochrome, en duo avec Michel Massot. C’est là qu’est venue l’envie de jouer ensemble. Ce qui était assez drôle, c’est que nous étions en 2003 ou 2004 et que nous avions décidé de faire quelque chose en 2009.

  • Pourquoi en 2009 ?

Fabrizio - Parce que c’était le temps qu’il fallait, on le sentait. Mais avant le projet Aka Moon avec Black Machine, nous avons fait plein de choses avec Baba, dont un opéra, avec Oumou Sangare. Quand il y a Oumou, j’aime que Baba soit là aussi.

  • Pour quelle raison ?

Fabrizio - Cela crée un tissu de connections, de la confiance, ça ajoute à l’intuition.

Baba - Ça va même au-delà de la musique, je pense. C’est de l’amitié. C’est un peu pareil entre Fabrizio et moi, nous sommes des amis en dehors de la musique. On vient de rentrer du Mali. Ce n’était pas simplement pour jouer, mais aussi pour découvrir et se découvrir, créer ensemble.

Fabrizio - On a quand même beaucoup joué. On s’est bien baladés à deux chez les Dogons, on s’est bien amusés. On a fait un concert chez Baba, avec toute sa famille, avec quatorze Tamas, et là… ça fait très mal ! (rires) Bref, pour revenir aux projets avant Black Machine : ils ne concernaient pas vraiment la culture musicale du Mali. Il y avait plein de gens différents. Shiva Raman, Nelson Veras, Tcha Limberg, Magic Malik. Ensuite est venue la réflexion sur les griots. Et Baba avait le rêve de réunir différents membres de sa famille, des griots et joueurs de Tama qui sont devenus les Black Machine.

Baba - Je voulais surtout que cela se fasse avec Aka Moon. Car je pensais comprendre la façon dont Fabrizio Cassol voyait la musique. Je te jure, je priais et je me disais que si je devais commencer Black Machine, ce devait être avec Aka Moon !

  • Aka Moon est né d’une rencontre avec les pygmées Aka. Vous retrouvez une similitude entre cette musique et celle des griots du Mali ?

Fabrizio - La similitude, on peut la retrouver partout. Ce qui est beau, c’est de découvrir ce qui est commun à tout le monde et spécifique à chacun. C’est un équilibre à trouver. Chez Baba, on peut trouver quelque chose qui est universel et que tous les grands musiciens ont, et aussi quelque chose d’unique. À la fois ce qu’ont tous les griots et quelque chose de plus, que les griots n’ont pas encore. C’est comme le jazz : on joue un accord et puis un autre, et il faut comprendre les notes communes à ces accords, puis les notes spécifiques à chaque accord. Si on comprend ça, on sait où l’on est. Je comprends ce que Baba a de commun avec l’Afrique, les griots, le Mali, mais je sais aussi ce qu’il a d’unique, ce qui ne se trouvera pas chez un autre griot, un autre Malien ou simplement un autre musicien - ou un astronaute, un cosmonaute (rires). Ce qui est bien avec Baba, c’est qu’on ne sait jamais comment ça va se passer. Mais je ne suis pas totalement d’accord avec lui quand il dit qu’on ne prépare jamais rien. Aka Moon et Black Machine, on ne prend pas ça à la rigolade, on passe du temps ensemble. Quand je suis au Mali avec lui, j’ai mon enregistreur. On joue, puis on se réécoute, je prends des notes, je compare. Baba le sait, à ce niveau-là, je suis très pointu.

Baba Sissoko © Jos Knaepen

Baba - Tu as raison. Je parlais surtout de cas comme ce soir, où on est deux ; on se parle musicalement, simplement. On connaît les morceaux et on joue. De toute façon je n’écris pas la musique.

Fabrizio - Pourtant on a signé des morceaux ensemble (rires). Je trouve que ça a été un super beau moment quand on a signé ensemble ce bout de partition ! (On a dû enregistrer les partitions à cause des droits, etc. J’avais tous les manuscrits.) Plein d’information venaient de sa culture, d’autres de notre histoire. Il fallait être précis par rapport à la musique. Le moment où on a signé les partitions me paraissait important. On faisait des interviews à ce moment-là, il y avait la télé et j’ai voulu que ce soit filmé. Je trouvais ça très beau, très symbolique. Le plus beau, c’est la musique, bien sûr, mais je trouve que ce geste, cet acte, était magnifique. Le plus drôle est que Baba ne sait pas ce qu’il a signé (rires) !

Baba - Je fais beaucoup de compositions de tête. Fabrizio retranscrit. Ce n’est pas compliqué pour lui car il a appris à écrire. Moi, j’apprends la musique à mes frères avec ma bouche et mes doigts, comme je l’ai appris moi-même.

Fabrizio - Ils ont une autre forme d’écriture. Parfois les choses sont un peu différentes, et je leur dis : « Hier on n’a pas joué comme ça. La preuve, c’est écrit. »

  • En concert, cela permet à la musique de s’ouvrir ? Il y a beaucoup d’improvisation, beaucoup d’échanges ?

Baba - Il y a toujours de l’improvisation dans les musiques qu’on aime. Sur scène tout est carré, écrit. Et bien sûr, il y a un moment où il se passe quelque chose parce qu’on est heureux de jouer. L’improvisation arrive quand on ne s’y attend pas. Il se passe quelque chose d’unique, il faut saisir l’instant. Ça peut être Fabrizio et moi, ou entre lui et un autre musicien. Entre Stéphane Galland ou Michel Hatzi et moi. C’est le sel de la musique. Quand tu prépares bien un plat mais qu’il n’y a pas de sel, ça ne va pas. Bien sûr, on peut jouer comme si c’était de la musique classique, mais ce n’en est pas ! Ni de la musique malienne. Et ce n’est pas de la musique européenne, non plus. On fait de la musique qui s’appelle… « musique » ! (rires)

Fabrizio - En concert, on a tous des responsabilités. Baba en a envers les autres griots, car il est plus expérimenté - il a eu des expériences avec plein de jazzmen et d’autres musiciens ; pour lui, les Black Machine sont comme un lieu d’initiation pour les autres griots. Moi j’en ai d’autres. Et on doit être en phase.

Baba - C’est comme deux familles qui se rencontrent. Fabrizio travaille avec Michel et Stéphane depuis quinze ans. Moi, je travaille avec des jeunes que j’ai presque tous vus naître. Il y a des règles à suivre. Je suis le grand frère qui les emmène vers la mer. Ensuite, on peut prendre le bateau et voyager. Après, on explore les montagnes, les forêts…

  • On dit toujours que la musique africaine est très percussive, basée sur des rythmes ; qu’en pensez-vous ?

Fabrizio - Les rythmes sont des mélodies, pour les Africains. Mais les Occidentaux ne les entendent pas toujours. Baba chante surtout avec le Tama, qui est la seule capable de jouer des mélodies. Je peux « partir » n’importe où, quand il a son Tama, il se met dans la tonalité.

  • C’est pour cela qu’il y a une belle entente entre les Black Machine et Aka Moon ? On peut dire aussi qu’Aka Moon construit ses mélodies sur des rythmes ?

Fabrizio - Tous nos rythmes ont toujours été mélodiques. C’est pour ça que, dans les structures rythmiques très complexes, il y a toujours des mélodies. Nous, on ne compte pas. Les musiciens qui veulent compter se perdent. On fait toujours le contrepoint. Et là, on rejoint les notions de base de Charlie Parker. Quand il improvisait, il faisait en permanence le contrepoint de ses propres thèmes, sans penser aux accords, car ils en découlaient. Il n’y a pas d’autre théorie dans notre musique. Notre parcours est basé sur un travail du rythme. Mais on a trop souvent séparé le rythme de l’expression vocale car on voulait comprendre « le » rythme. Avec Baba, le rythme est connecté avec une expression vocale. Et la façon dont il joue le Tama et chante renoue avec cette notion de rythme mélodique ou de mélodie rythmique.

Fabrizio Cassol © Jos Knaepen

Baba - En plus, je suis très content d’avoir créé un groupe de Tamas. Ça ne s’était jamais fait. Et je suis vraiment heureux de l’avoir créé avec Aka Moon. On a fait beaucoup de recherches par rapport aux arrangements de Fabrizio et ma façon de m’intégrer et de jouer avec mes frères. Il y a beaucoup de changements et c’est parfois compliqué. Mais pas tant que ça si tu as envie de chercher. J’ai appris à mes frères comment il fallait opérer les changements. En général, je pars « en avant », et quand il y a un changement tout le monde doit être prêt ! Et ils ont bien compris ça. C’est pour ça que ce projet Black Machine est important, aussi. Ce n’était pas simplement le fait de les amener en Europe, mais aussi de les aider à mieux comprendre la musique. Celui qui veut vivre avec la musique doit la voir comme la forêt, la terre ou la mer. Je ne pouvais pas les laisser au Mali alors que j’avais la possibilité de leur faire découvrir autre chose. Et cela m’aide aussi à connaître l’Europe, les Européens et leur culture. Et faire ça avec Aka Moon, c’est une chance ! Aka Moon, ce n’est pas un petit groupe quelconque ! Certains musiciens de Black Machine n’avaient jamais quitté le Mali. Et les voilà à Bruxelles avec Aka Moon ! Je leur ai dit d’ouvrir les yeux et les oreilles. De comprendre que la musique, c’est de la collaboration. Sans collaboration, le monde n’existe pas.

  • Stéphane Galland m’a confié un jour qu’il avait appris à respirer d’une autre façon en jouant avec les griots. Il était question de souffle pour pouvoir répercuter les sons des percussions...

La collaboration avec Aka Moon est spéciale. D’autres groupes veulent faire un mix de cultures, une juxtaposition, en pensant business. Nous, on n’est pas partis de là mais de deux cultures avec l’espoir, la confiance et les valeurs.

Baba - Sur scène, on est tellement heureux que ça se sent. On respecte les passages écrits, même si je n’ai pas de papiers devant moi - qui ne me servent à rien de toute façon (rires) - je peux fuir et retrouver mon chemin. Il se passe des choses merveilleuses entre Fabrizio et moi. Et c’est pareil avec Michel ou Stéphane. Sur scène on est une famille. Notre force, c’est que les gens nous aiment et ils sont obligés de nous suivre. Car on n’est pas sur scène parce qu’on y est obligé, mais parce qu’on aime jouer ensemble. La collaboration avec Aka Moon est spéciale. D’autres groupes veulent faire un mix de cultures, une juxtaposition, en pensant business. Nous, on n’est pas partis de là mais de deux cultures avec l’espoir, la confiance et les valeurs.

  • C’est vrai qu’avec cet album, on est loin de la World Music fabriquée. On est dans la vraie fusion.

Fabrizio - On l’espère. En tout cas, on est dans notre histoire. Et elle se veut sincère. On aime trop la musique, les gens pour gaspiller cela. On ne se dit pas : « Allez, on va faire un album ! ». Non, sinon on pourrait en faire un par semaine. Il faut garder une raison de faire cette musique.

  • Le disque raconte une histoire.

Baba - Oui. « Aka Djelia » est l’histoire du griot. Le griot, au Mali, est considéré comme une bibliothèque naturelle. C’était important et normal de commencer comme ça. Aka Moon a amorcé son histoire en Afrique avec les Pygmées. Et les Pygmées étaient là bien avant les Dogons. Ils ont été chassés par les Tellem, un peu plus grands que les Pygmées, puis ceux-ci ont été chassés à leur tour par les Dogons. « Aka Teri Ya », c’est l’amitié. On ne peut rien construire sans la confiance. La confiance c’est l’amitié. Un amour particulier. Le respect. On peut dire la vérité à un ami sans crainte. Si je me cache devant toi, c’est comme si je me cachais moi-même. « Aka Giulia » est une chanson que je chantais pour ma fille, qui est métisse. Ma femme est italienne et moi bien bronzé (rires). Ma fille aime toutes les couleurs du monde.

Michel Hatzigeorgiou © Jos Knaepen
  • Pourquoi avoir intégré Philip Catherine sur ce morceau précis ?

Fabrizio - Quand je travaillais sur ce projet, je téléphonais parfois à Baba en lui demandant comment on allait s’en sortir. Il me rassurait toujours. Mais pour que la musique fonctionne, il faut que les détails fonctionnent. Et pendant tout ce temps, j’avais Philip Catherine en tête. J’en ai parlé à Baba, puis, j’ai appelé Philip. Il s’est montré enthousiaste. Comme il était disponible, il est venu en studio et ça s’est fait naturellement. Je lui ai dit que je n’avais besoin que de lignes mélodiques, car avec Black Machine, ce sont les croisements mélodiques qui font l’harmonie. Donc, il ne fallait pas apporter d’accords comme il sait si bien les faire mais du lyrisme. Et ça s’est fait magnifiquement. On a même joué en concert ensemble, ensuite, avec Arno et Toots Thielemans à Ostende… c’était du délire ! J’avais invité Toots, qui jouait le même soir, à nous rejoindre. Quant à Arno, j’ai cherché le lien entre Aka Moon, les griots, Philip et Toots. Et ce lien, c’était le blues, bien sûr. Je lui demande lequel collerait. Il me répond : « Rollin’ and Tumblin’ » - « Rouler et tomber ». Sur quoi il monte sur scène et… s’écroule et roule (rires) ! Parfois, en jazz, des gens chantent sans savoir ce qu’ils disent vraiment, mais lui, avant d’avoir ouvert la bouche, il avait raconté toute la chanson (rires) ! Très fort ! Les griots, Philip et Toots regardaient ça en se demandant ce qui se passait. C’était unique ! Avec Black Machine, on vit aussi ce genre de situations. Il y a la recherche, le travail, le focus pour créer vraiment les choses ensemble, et puis il y a la fête. Avec Aka Moon, on a beaucoup voyagé ces derniers temps, on est allés dans plus de cinquante pays, et on a remarqué qu’une certaine tristesse s’installait. Alors apporter la joie et le bonheur est aussi un acte important. Aussi important que de travailler avec l’Ircam autour d’ordinateurs.

Baba - Je crois que c’est parce qu’on aime ce que l’on fait. C’est important de prendre ce plaisir-là.

  • Y a t-il autre chose en cours ? Des concerts ?

Fabrizio - Oui, mais ce n’est pas simple d’amener huit Maliens en Europe. En France, en Belgique, ça va encore… Mais en Irlande, par exemple, nous avons eu de gros problèmes.

Le monde est en train de se fermer. Il faut se battre plus que jamais pour qu’il reste ouvert. Et faire venir huit griots, pour des tournées, ce n’est vraiment pas simple. Il était plus facile d’organiser des projets délirants au début d’Aka Moon qu’actuellement. On a des rêves musicaux qui se fracassent sur une réalité structurelle.

Baba - Quand on est en dehors de l’espace Schengen il y a des règlements insensés.

Fabrizio - Je n’aime pas parler politique, mais je me demande parfois comment certaines personnes imaginent l’Europe. Moi, si j’imagine une musique avec Baba, je n’imagine pas les portes ! Ce qui est fou avec le processus « créatif » des politiciens, c’est qu’ils imaginent l’Europe avec des portes et le monde avec des exclusions. Ils imaginent l’Afrique fermée. Et nous, les gens et les artistes devons vivre avec ça. Le monde est en train de se fermer. Il faut se battre plus que jamais pour qu’il reste ouvert. Et faire venir huit griots, pour des tournées, ce n’est vraiment pas simple. Ni pour les managers, ni pour les organisateurs. C’est un travail de fou. Je me rends compte qu’il était parfois plus facile, au début d’Aka Moon, d’organiser des projets délirants qu’actuellement. On a des rêves musicaux qui se fracassent sur une réalité structurelle. Et le travail de management est disproportionné par rapport au résultat. C’est un travail de titan. En Irlande, c’était de la science-fiction ! C’était comme si Baba et ses griots venaient d’une autre galaxie ! Ce qui n’est pas tout à fait faux (rires).

par Jacques Prouvost // Publié le 18 octobre 2010

[1Mini concert en duo avec Fabrizio Cassol pour l’ouverture de la Foire du Livre de Bruxelles.