Chronique

François Raulin

Ostinato

François Raulin (p)

Label / Distribution : Label Forge

François Raulin est de ces pianistes que l’on retrouve, au gré des formations, en trio ou en quintet, avec un plaisir toujours renouvelé tant son univers est riche de couleurs et d’atmosphères.

Dans l’exercice de la solitude, l’interprète livre en général le cœur de sa musique. Les délicieux passages secrets de ses mélodies intérieures, Raulin nous les ouvre ici, entre évocations coloristes d’illusions méditatives, films sensibles aux contours flous et abstractions sensuelles.

Dès les premières notes de « Little Nemo s’éveille », le personnage de Windsor McKay semble sortir d’une boîte à malice debussyenne. C’est alors toute une poétique qui se met en place ; elle peut être labyrinthique dans « Arrabiata » ou en équilibre instable sur la mélodie tournoyante du bien nommé « Meccano de la Générale »…

C’est cependant dans l’évocation de la nature que le pianiste prend toute son ampleur. En effet, que ce soit la finesse ciselée de « L’appel de la forêt » ou la douceur immatérielle d’« Images de décembre », tout ici évoque les contrastes estompés d’une gravure zen, à laquelle le standard « Lotus Blossom » apporte la touche finale. Les accents très ellingtonniens de ce morceau de Billy Strayhorn inscrivent la musique de Raulin dans la lignée raffinée du jazz évocateur.

Ostinato est à la fois une découverte et un lieu étrangement familier, une latitude élégante au milieu des continents que le pianiste a déjà visités pour se nourrir de rythmes et de couleurs. Un lieu onirique peuplé de mélodies introspectives traçant le portrait sensible et feutré d’un musicien tout en « ostinatos » lui-même, autant dans les rythmiques appuyées, répétitives et recherchées de la main gauche que dans son obstination à vouloir proposer une musique luxueuse, belle, capiteuse… on pourrait presque dire entêtante, tel un alcool qui suggérerait l’ivresse sans jamais la susciter vraiment.