Chronique

Guy Le Querrec/Magnum Photos

Ricochets

Label / Distribution : Editions Autonomes

« Dans la photographie, il y a à voir et à ranger ».
La formule, avec quelques autres, aura servi à Guy Le Querrec de justification, ou justificatif, à l’une des activités les plus récurrentes de la photographie, le rangement des négatifs, contacts et autres tirages de lecture qui font le délice quotidien de l’amateur de déclics, à moins que ce ne soit également son tourment. En tous cas, hors d’un principe de rangement bien structuré, point de salut : et l’on connaît de ces écervelés qui vous disent : « oui, j’ai une photo de ce formidable concert, j’ai pris Coltrane à 25 cm de son saxophone, mais où est-elle bien passée ? »

Donc GLQ range. Contraint et forcé, il déplace, remet en ordre, rebat les cartes. Du coup, il voit les choses autrement. Et d’abord, très souvent, il les voit pour la première fois. Combien de négatifs récents qui attendent encore de sortir le soir, ou la nuit, pour une première danse ? Mais combien aussi se redistribuent autrement, parce qu’on les regarde aujourd’hui ? Bon an mal an, et au gré des vagues, ça finit par donner cette petite merveille d’édition, sous le titre « Ricochets », et avec le concours inspiré de Nathalie Bihan et Emmanuelle Hascoët. Précipitez-vous, il n’y en a que 500, ça va filer comme TGV poursuivi par la réforme de la SNCF. Car, figurez-vous, le père de Guy était cheminot.

Nous y sommes, et en plein, puisque ce livre est bâti sur le principe du ricochet (ou rebond, ce qui en fait un livre très Delbecq) entre l’album de famille et l’œuvre du photographe.
Un seul exemple, qui vous permettra de tout comprendre : Guy est photographié avec sa trompinette, à l’âge de quatre ans, devant la maison familiale.
Ricochet. Don Cherry au « Chat Qui Pêche » le 20 mars 1967. Le lien est évident. Facile même. Tous les rebonds n’ont pas la même dimension, le jazz n’est pas toujours là, mais GLQ n’est pas photographe « de jazz », il est photographe. Je répète : ce livre est une merveille pour l’œil, pour l’esprit, pour la liberté de penser, pour la liberté tout court.

Car en plus, vous avez le cadeau, le bonus, le jeu des 7 familles ricochets. Il faut découper les cartes, construire et coller le petit étui, lire le mode d’emploi, et vous jeter à corps perdu dans le jeu. Les enfants adorent, les adultes en raffolent. Les familles sont : « Duos et Jumeaux », « Chapeaux, coiffes et casquettes », « Musiques en tête », « Amicalement vôtre », « Parapluies et parasols », « En équilibre », « Carnets de Noce ». Pour constituer ces sept jeux de six cartes, on peut imaginer le photographe parcourant son œuvre à l’endroit et à l’envers, et s’amusant à faire (ou refaire) des familles. Sur chaque carte une photo, plutôt très bien reproduite, et au dos une partie de texte que vous pourrez reconstituer une fois la famille réunie. Il a dû mettre des heures à fabriquer ça, vous en avez pour des heures à tout reconstituer.

L’époque des cadeaux approche. Et si vous avez des amis bretons, raison de plus.

par Philippe Méziat // Publié le 21 octobre 2018
P.-S. :

Editions autonomes, 23 euros +port