Scènes

Jazz à Vienne 2012 (9) - 12 juillet

Trombone Shorty entre dans la danse et Hugh Laurie…


On espérait un concert grandiose. Ce fut bel et bien un feu d’artifice scénique et musical au cours duquel le jeune chanteur-trompettiste-tromboniste n’eut de cesse d’inciter le théâtre, plein à ras-bord, à entrer à son tour dans la danse.

Trombone Shorty en première partie. Hugh Laurie en seconde. La soirée affiche complet depuis longtemps. Pas pour le gamin de la Nouvelle-Orléans, mais pour apercevoir le héros d’une série télé à succès. Mystère du public et difficultés du métier de programmateur d’un festival de jazz qui doit pratiquer l’œcuménisme et remplir un théâtre de 7 500 places sans vendre ni perdre son âme…

Trombone Shorty © Marion Tisserand

C’est dans ce contexte que démarre la soirée : en estafettes mi-touristes, mi-musiciens, les six comparses du tromboniste prêts pour un tour de chauffe, avant l’entrée du « maître », bras levés, décontracté, Ray-ban rouges sur le nez. Un an a passé depuis sa première prestation ici. On a l’impression que c’était hier. Le jeune homme est chez lui : campé au bout de son trombone comme un tireur de bazooka, il démarre un show époustouflant qui ne souffrira pratiquement d’aucune baisse d’intensité. Entre-temps tout y sera passé, dans un feu d’artifice allant crescendo : jouant tantôt du trombone, tantôt de la trompette, chantant ou dansant, emmenant l’orchestre vers une folie croissante. Décibels en plus.

Reprenant ses succès ou son dernier album (For True), Trombone Shorty apporte sur scène une dimension unique, mélange de spontanéité, de générosité, de franche rigolade et d’art d’arrêter le temps. Avec, en sus, l’air farceur de celui qui profite du retard de la vedette pour monter sur scène et chanter un morceau de son cru.

La nuit tombe. Sa chemise aussi. Funk, rhythm’n’blues, rock, jazz Secouez très fort. Pour mieux faire chanter le public, Shorty n’hésite pas à plonger au milieu des danseurs. Les 7 500 spectateurs lui rendent bien cet espèce de don de soi, de boucle musicale sans fin, évidemment marquée par une note tenue plusieurs minutes durant tandis que lui-même est soutenu par l’orchestre, comme s’il s’agissait de son dernier souffle. Bref, au bout de 80 minutes époustouflantes il est parti à regret, un grand sourire aux lèvres, sûr qu’il reviendrait un jour, et pas en première partie cette fois. Pour Hugh Laurie, la tâche qui s’annonçait n’avait rien de simple.

Trombone Shorty © Marion Tisserand

Hugh Laurie, un feu de paille ?

Le Théâtre antique de Vienne a fait une des plus fortes jauges en ce 12 juillet 2012 grâce à un Dr House mué pour l’occasion en Hugh Laurie chanteur mais qui n’a fait forte impression que sur ses groupies, fort nombreuses, dont certaines déguisées en infirmières !

Tel est désormais le paradoxe des festivals de jazz. Sacré paradoxe d’ailleurs. Le mot « jazz » attire un public. Son image reste assez forte. Mais, et on a pu le constater une nouvelle fois lors de cette édition, les soirées jazz stricto sensu sont celles qui attirent le moins le public… En revanche, mettez au programme une tête d’affiche qui n’a pour viatique qu’un seul disque, même pas si convaincant, et les gradins sont bourrés à craquer. C’est le cas ce soir, l’assistance frôlant les huit mille personnes. Un public venu bien sûr pour une des plus grosses têtes d’affiche de 2012, le plus célèbre médecin du petit écran. Qui est aussi l’auteur d’un disque, Let Them Talk (avril 2011), sur lequel il reprend notamment un certain nombre de standards de country et de la Nouvelle-Orléans. Mais ses groupies - parfois affublées d’un masque de gaze ou arborant des banderoles faisant référence au feuilleton, sont bien venues pour lui. Il est vrai que sur scène, les références à la série TV sont légion. Hugh Laurie parle beaucoup. Il chante aussi, et ce n’est pas ce qu’il fait de mieux. D’autant que, n’étant pas compositeur, ses célèbres standards rendent la comparaison cruelle, tel ce « St. James’ Infirmary », clin d’œil appuyé, ou « Jericho », voire un « Unchain my Heart » qui fait regretter Ray Charles.

Sa voix est sans grand relief ni profondeur, mais heureusement, il est accompagné par une excellente choriste, outre ses musiciens. Il a beau multiplier les traits d’humour britannique ou distribuer des verres de whisky à ses acolytes, on finit par s’ennuyer ferme. Mais les fans n’en ont que faire : aux anges en présence de leur Dr. House, ils sont… anesthésiés.

On peut faire le pari que le phénomène Laurie ne devrait durer qu’un été.