Chronique

Joona Toivanen Trio

Frost

Joona Toivanen (p), Olavi Louhivuori (dm), Tapani Toivanen (b)

Label / Distribution : Blue Note

Très peu connu sous nos latitudes, le trio finlandais de Joona Toivanen s’est forgé une belle réputation en Scandinavie mais aussi en Asie et en Australie (hé oui !) après y avoir tourné assez régulièrement. Malgré leur jeune âge (entre 27 et 28 ans), ces musiciens jouent ensemble depuis plus de onze ans. Ils ont d’ailleurs trois albums à leur actif, mais le dernier en date est paru sur le célèbre label Blue Note, marque d’une certaine reconnaissance.

Frost le bien nommé nous plonge directement dans un monde élégiaque et dépouillé. Ses huit morceaux sont plus ou moins dans la même veine mélancolique et empreinte de tristesse. Le trio joue sur toutes les nuances du blanc - ce blanc qui, mêlant luminosité du toucher et introspection brumeuse, va si bien à la musique scandinave. On décèle ici et là l’influence d’un Bill Evans et parfois plus encore d’un Esbjörn Svensson. Le jeu foisonnant du batteur, Olavi Louhivuori, (auteur de la moitié des compositions) et celui, très chantant et ondulé, du bassiste Tapani Toivanen ne peuvent que renforcer cette dernière impression. Cependant, le trio définit peu à peu son originalité ; les envolées lyriques (« Vocalise ») tendent vers un peu plus de joie en nous tirant du cocooning dominant. Parfois tenté par des morceaux plus déstructurés (« Poseidon »), le trio joue sur les sons étouffés ou les résonances abstraites, principe que l’on retrouve sur « Memory (Of A Friend) », joué comme en « coda » sur une mélodie quelque peu désarticulée. Joona Toivanen développe les accords par vagues et couches successives, comme sur « Winged Escape », où il étend un joli tapis musical propice au solo final du batteur, à la fois nerveux dans la souplesse et ouaté dans le jeu de balais. Le trio ne renie pas ses origines et l’on sent, même si cela peut paraître « cliché », l’esprit d’une valse triste de Sibelius sur « Morning Mist ».

Avec ces musiciens, qui possèdent une technique irréprochable et un joli sens de la narration, on parcourt des paysages frissonnants et désolés. Entre inspiration classique et jazz intimiste, parsemé de quelques moments plus intenses, cet album a quelque chose d’envoûtant, d’enveloppant même. Il ne reste qu’à se laisser gagner par l’engourdissement diffus des sentiments.