Chronique

Laurent Salzard

Mundo

Laurent Salzard (b), Minino Garay (dms), Cédric Hanriot (p), Yann Cléry (fl).

Label / Distribution : Jazz Family

Fêter la beauté d’être au monde, arrimé à tous les rythmes, dans une fête des sens et des couleurs sans cesse redémarrée, voilà le coup de génie de Laurent Salzard, musicien émérite abonné au mélange des genres, contre vents et marées. Seraient-ce les embruns du port de la Rochelle, où Laurent le conquérant a grandi, qui ont donné à ce fils de musicien classique cette propension aux horizons ouverts ? D’Ed Motta à Sly Johnson, en passant par Tony Allen ou China Moses, nombreux sont les artistes de renom qui ont trouvé chez ce bassiste biberonné aux albums fusion de Miles et autres chefs d’œuvre soul de Marvin et Stevie, un allié de confiance.

Charpenté comme une liqueur qui ferait passer le palais par différents arômes, l’album Mundo remporte haut la main le défi d’embrasser toutes les antipodes sans jamais courir le risque de la dispersion. Avec « Calm Sea », le climat s’installe dès les premières secondes, l’intro à la basse annonçant un univers sonore tanguant entre furie jazz et tempo latino. Plus loin, Yann Cléry et sa flûte traversière, considérée « comme une extension de lui-même » est le deuxième homme fort de ce disque solide, le père de l’electropical formant avec le percussionniste Minino Garay la texture caribéenne de l’album en tirant toutes les potentialités des thèmes hypnotiques sur lesquels ses volutes évoluent avec une étonnante plasticité (« Serpents du désert »).

« On y va » et « Ojo », deux thèmes charmeurs et chaleureux, clament haut et fort l’amour des contrées éloignées entre des interludes cristallins où le dialogue entre basse et piano, celui de Cédric Hanriot (dont l’album Time Is Color avait bénéficié d’une visibilité bien méritée sur la playlist d’un certain Barack Obama), procure une halte propice à la contemplation. Après les îles, l’Afrique dont « Tête brûlée », composition énergique, enflamme autant les corps que l’imagination. Onze compositions de cet acabit s’offrent à l’auditeur, mais l’énergie de la bande à Laurent est telle qu’en enregistrer le double ne lui aurait pas fait peur, tant ses complices semblent en studio comme des poissons dans l’eau.

Si l’album de ces quatre garnements fonctionne autant sur les plaisirs de la répétition que sur les délices de l’improvisation, rappelant l’association très fructueuse de Gato Barbieri et Don Cherry, c’est cependant du côté de chez Roland Kirk qu’on irait volontiers débusquer les racines d’une telle euphorie. Cet infatigable explorateur qui encourageait chacun à chercher sa note mystérieuse sur le piano universel de la vie aurait salué, en levant bien haut un de ses couvre-chefs, l’audace de ce combo gourmand et généreux.