Chronique

Marcel Kanche

Juillet 94

Marcel Kanche (g, voc), Bruno Tocanne (d), Fred Roudet (tp, bugle), Jef Morin (g on tracks 8, 9 et 10)

Label / Distribution : 10H10

Marcel Kanche n’est pas un habitué de la scène jazz et on pourrait se demander ce que fait une chronique d’un de ses albums dans les colonnes d’un média comme celui-ci. Outre que ce genre va bien au-delà des limites qu’on peut vouloir lui assigner - au nom de la tradition, des conventions et de toute une histoire que certains envisagent sous l’œil le plus étroit de la lorgnette -, on trouve ici deux musiciens qui comptent beaucoup sur la scène jazz française, en l’occurrence Bruno Tocanne et Fred Roudet. Mais ce serait un drôle tour de passe-passe d’invoquer le line-up – et seulement celui-ci – pour estampiller « jazz » un album qui n’en relèverait pas. Bref, on dira d’un mot que c’est parce que la chanson de Marcel envoie balader les conventions stylistiques qu’on accueillera à bras ouverts ce Juillet 94. On retiendra entre autres le jeu de guitare, qu’on cataloguerait volontiers dans ce fourre-tout qu’on appelle l’expérimentation. Ça grince, ça couine, ça larsène souvent. Sans surprise, la trompette de Fred Roudet est à l’aise comme un poisson dans l’eau dans ce magma saturé à fond. Très vraisemblablement parce qu’elle est loin d’être un simple accompagnement. Dans « Ainsi couronné », elle se mélange à la guitare nucléaire. Il y a quelque chose qui nous renvoie du côté d’une douce électro. Les sons s’étirent, se distendent et on pense volontiers à ce qu’Erik Truffaz proposait avec Murcof il y a une petite dizaine d’années sur Mexico. Mais c’est bien plus noir, bien plus rêche, bien plus ténébreux aussi. C’est, pourrait-on dire, tranquillement hurlant. Sur « Cornettes de bise », on guette volontiers le jeu tout en contraste entre la batterie, volontairement brutale et irascible, et à l’unisson la guitare qui burine, la déclamation grave et lente. Tout cela donne un continuel chaud-et-froid qui va bien au-delà de ce seul morceau et qui permet aux textes de Marcel Kanche d’être d’autant plus pénétrants.