Chronique

Max Johnson & Henry Grimes

Olive Oil

Max Johnson (b), Henry Grimes (b)

Label / Distribution : Unbroken Sounds

On pourrait penser que Max Johnson est un jeune contrebassiste en devenir qu’on découvre depuis quelques années seulement, à l’occasion notamment d’un récent album en trio avec Vinny Golia et Weasel Walter, ou de l’un de nos portraits. Mais aussi bien No Refunds que le présent disque sont en réalité des témoignages plutôt anciens de son univers musical, à l’inverse de son plus récent solo. Ces œuvres en disent long sur le parcours de Johnson, et sur son amour pour la musique free de la fin des années 60. C’est de ce point de vue que Olive Oil, enregistré en 2010 avec son mentor Henry Grimes, est particulièrement touchant. Dans la composition-titre, le contrebassiste mythique, proche de Mingus et d’Ayler, croise le fer avec son jeune élève. Sort parfois un violon joué aux limites, comme pour laisser un Johnson prendre le cap avec un jeu placide mais puissant, plein de souvenirs et de vénération. C’est intense et bondissant, profond la plupart du temps, et cela prend ses racines dans un jazz incarné, dénué de mysticisme. Planté dans le sol.

Olive Oil, c’est le nom de la contrebasse verte de Grimes, revenant des années 2000 emporté par la Covid vingt ans plus tard. On est heureux de reconnaître immédiatement le musicien de The Call, album en trio de 1966 avec Tom Price et Perry Robinson, et sa pochette au noir profond : un phrasé identique à l’archet, et un goût pour l’empoignade. Olive Oil lui fut offert par William Parker, alors que Grimes n’avait pas joué pendant 30 ans, devenu laveur de vitres en Californie ; une histoire à la Gil Scott-Heron. Un « role model » devenu quidam, et qui réapprivoise le feu : c’est une renaissance qu’il célèbre six ans après son retour avec Max Johnson, comme il le fit par ailleurs avec Rashied Ali à la même période. Ce qui est parfaitement troublant, c’est qu’ici, cela se passe de contrebasse à contrebasse. Comme un passage de relais que Johnson endosse humblement.

Dans ce disque enregistré au Stone de New-York, on entend dans « The Ritual » la voix fantomatique de Grimes qui déclame un poème, comme un dernier retour d’entre les disparus. Le plaisir évident du jeu de Max Johnson avec Henry Grimes se dispute parfois avec un solennité sans apparat, juste le jeu profond du maître et de son élève, bien décidés à marcher sur un pied d’égalité. Un fantastique témoignage.

par Franpi Barriaux // Publié le 18 février 2024
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