Chronique

Michel Godard & Ihab Radwan

Doux Désirs

Michel Godard (tu, serpent, b), Ihab Radwan (oud, voc)

Label / Distribution : Dodicilune

La dernière fois que nous avions entendu le serpent de Michel Godard sur disque, c’était déjà sur le label italien Dodicilune, dont le catalogue fait la part belle aux projets transversaux, voire aux sentiers caillouteux et peu empruntés. Avec Roberto Ottaviano, il était question de l’astrolabe, qui calcule la position des étoiles. Quelques mois auparavant, il arpentait les couloirs du temps dans une chapelle. Entre les siècles et les étoiles, il y a l’éternité. Et lorsqu’il s’agit d’éternité, l’amour n’est jamais loin. C’est idéal, puisque c’est le thème de Doux Désirs, album en duo du tubiste avec le maître du oud égyptien Ihab Radwan. Amour courtois et désir noble, naturellement ; car si les compositions sont signées des musiciens, on reconnaît sans détour l’influence des musiques anciennes et des dialogues entre civilisations qui les animent. La douceur qui nimbe « Tenderness », la pièce pivot de ce disque capté en Italie, en témoigne.

Ce n’est pas la première fois que Michel Godard se produit avec un joueur de oud. On se souvient qu’il a participé à certains orchestres de Rabih Abou-Khalil ; pour autant, non seulement il s’agit d’un premier duo du genre, mais l’approche de Radwan est davantage portée sur la tradition, même quand le oud se confronte à une basse électrique (« In The Grotte »). Professeur renommé, collaborateur d’artistes comme Youssou N’Dour, il est aussi impliqué dans le spectacle à succès Mozart l’Égyptien. A l’écoute de « Serbia », on perçoit un héritage, tant dans les modes utilisés dans une longue introduction que dans les combinaisons entre le tuba et les cordes, jouées très en avant. Les instruments s’effleurent, s’éloignent, s’étreignent fugacement… C’est une passion brûlante mais chaste qui constitue la matière première de ces Doux désirs.

Est-ce une flamme entre Orient et Occident ? L’évidence est là, et elle se déclare dans le splendide « Malato d’Amore » où Radwan se prend à vocaliser et convoque de nombreux chants traditionnels qui sont suggérés sans être explicitement cités. Ce morceau, véritable cristallisation, annonce la dernière partie de la rencontre, plus passionnée encore, avec la jouissance du bien nommé « A la Folie  » où le serpent se fait taquin. Doux Désirs se termine alors sur un instant d’extase et de langueur avec « A Trace of Grace », titre de Godard en passe de devenir un hymne qui enjambe les affres des horloges. C’est en tout cas la signature d’un instant délicieux.