Chronique

Pierre de Chocqueuse

De jazz et d’autre / Chroniques 2010 - 2020

Évidence, cet ouvrage publié par Les Soleils Bleus Editions témoigne de l’acuité qui jaillit de la plume de Pierre de Chocqueuse. Évidence, comme une analogie à la composition de Monk, avec un clavier où surgissent des accords fulgurants qui parlent à l’auteur.

Car Pierre de Chocqueuse, s’il aime éperdument le jazz de toutes les époques et de toutes les mouvances, reste avant tout un inconditionnel du piano. Cet instrument polyphonique qui règne sur la musique classique depuis deux siècles s’est métamorphosé avec l’apparition du jazz en se réinventant constamment. Les grands instrumentistes ne sont pas oubliés dans cet ouvrage, mais l’auteur rend justice à celles et à ceux qui peinent à se faire connaître du grand public. Nathalie Loriers, Philippe Le Baraillec, Marc Copland, Fred Hersch, Bill Carrothers, Laurent de Wilde, Richie Beirach, Michel Sardaby ainsi que de nombreux autres pianistes se voient réhabilité·e·s. Cette véritable déclaration d’amour aux poètes de l’instrument témoigne d’un discernement allié à la bienveillance.

Les chroniques de la décennie énoncée se conjuguent avec diverses analyses d’un jazz sans cesse confronté à l’évolution sociétale.
« Comment rendre le Français mélomane ? Comment lui faire apprécier le jazz moderne alors qu’il est toujours hermétique au be-bop parkérien et qu’il peine à reconnaître les instruments d’un orchestre ? »
Ce questionnement pertinent de l’auteur, exposé en page 40 de l’ouvrage, résume à lui seul bien des situations incongrues vécues au quotidien. Pierre de Chocqueuse pose des questions souveraines et dévoile des pistes qui méritent réflexion. Ses expériences vécues au sein des magazines Best et Jazz Hot, éloignés par le fond mais proches par la forme, font de lui un témoin éclairé. Ce sont les approfondissements empathiques qui dévoilent la sensibilité de l’écrivain, ses nombreuses amitiés, Harriette Draper, Philippe Koechlin, Jacques Bisceglia, Lucien Malson, Philippe Adler, Christian Bonnet, André Francis, Claude Carrière, reprennent vie dans les chapitres qui leur sont dédiés. Le récit explore par moments le goût de l’auteur pour l’aventure, à l’image de la scénette surréaliste entre Alain Gerber et Woody Allen, ou par les errances de l’intransigeant Monsieur Michu.

Avec une très grande sagesse, Pierre de Chocqueuse apporte son éclairage habile qui escompte des lendemains heureux pour cette musique que nous chérissons. Ultime évidence qui résulte de cette lecture, si le jazz parvient à toujours anticiper son époque cela lui procurera une éternelle jeunesse.