Chronique

François Houle Genera Sextet

In Memoriam

François Houle (cl), Marco von Orelli (cnt, tp), Samuel Blaser (tb), Benoît Delbecq (p), Michael Bates (b), Harris Eisenstadt (dm)

Label / Distribution : Clean Feed

Quelle fraîcheur, les amis ! Voilà le disque que beaucoup de musiciens inventifs aimeraient avoir à leur actif, tant les idées qui y circulent sont novatrices.

François Houle dédie cet album à la mémoire d’une personne avec lequel il se transféra à Vancouver en 1990, Ken Pickering. Les neuf compositions sont l’aboutissement d’une narration savamment construite, le concept musical qui s’en dégage est d’une richesse harmonique sans faille. Le choc subi par François Houle avec la disparition brutale de son ami n’engendre pas un disque sombre mais plutôt un album empli de diverses facettes émotionnelles dont certaines n’excluent pas l’humour. L’espoir y est présent.

Le casting d’ In Memoriam est brillant : plus que des invités, ce sont avant tout des amitiés qui sont réunies autour du clarinettiste. Tous sont au service d’une partition qui leur laisse l’opportunité de s’exprimer. Le piano aisément identifiable de Benoît Delbecq installe des climats lunaires qui permettent à Marco von Orelli de s’envoler avec aisance dans « Deep River », pépite aux allures de mini big band. Samuel Blaser exprime toute sa fougue dans « Requiem for KP » et « Gish Gallop » : ses idées abstraites permettent à la paire rythmique composée de Michael Bates et Harris Eisenstadt de rayonner.

La clarinette de François Houle apporte des nuances ensoleillées nécessaires au développement des thèmes ; il rappelle fortement Perry Robinson, qui illuminait de sa grâce le premier Liberation Music Orchestra. L’amplitude de l’écriture de cet album renvoie d’ailleurs par moments à la formation de Charlie Haden ainsi qu’à Sylvain Kassap et ses sextets. In Memoriam apporte sa pierre à l’édifice avec ce continuum sincère.

« Scarlet » propose par ailleurs une incursion africaine où viennent planer les fantômes de Duke Ellington et de Tricky Sam Nanton alors qu’ « Ekphrasis » étire nonchalamment ses notes graciles, appelant à une fin de journée apaisante.

Le sextet de François Houle est l’incarnation de ce qu’est la beauté confondante : tout y est somptueux. En bâtisseur de cette œuvre singulière, ce musicien canadien mérite plus de reconnaissance.