Chronique

Quentin Dujardin / Didier Laloy

Water & Fire

Quentin Dujardin (g, b, perc), Didier Laloy (acc) + Adrien Tyberghein (b), Nicolas Fiszman (b), Noho (voc)

Label / Distribution : Agua Music

Quand deux raconteurs d’histoires se rencontrent, il faut s’attendre à prendre le large. Water & Fire est un éloge du temps qui passe, de la matière éphémère soumise aux éléments. Le clip « Baroque » résume l’image avec le plan fixe d’une guitare consumée par les flammes sur une plage, la mer en fond. La vision d’un instrument de musique brisé ou dévoré par le feu a quelque chose de tragique. C’est un labeur artisanal, au service d’un outil porteur de poésie et de rêve, quelque chose de l’ordre du sacré que l’on voit sous nos yeux profané. Mais ici, l’image est voisine de l’effacement d’un mandala et n’a rien d’injurieux, elle place l’œuvre humaine face à la froide dissolution des corps. Restent alors les souvenirs, les histoires qu’on rapporte, qu’on enjolive, un peu comme les aventures que les marins se racontent dans les tavernes, qui prennent parfois des allures d’épopées romanesques sous l’effet de l’alcool.

Parmi leurs innombrables collaborations, Quentin Dujardin a mis en musique l’adaptation théâtrale du roman d’Eric-Emmanuel Schmitt « Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran » et Didier Laloy a participé à pas moins de 120 albums. Ensemble ils ont accompagné le projet Lalma « Camino » sur des centaines de concerts. L’idée de raconter leur propre histoire ne date pas d’hier, ils la nourrissaient depuis longtemps. C’est au cours de plusieurs résidences au studio d’Agua Music, dans la région naturelle du Condroz, que ce disque éloquent a pris forme. Deux univers s’y sont conjugués jusqu’à ouvrir le rideau sur une pièce intime, délicate et lumineuse. Bien que cette musique soit sensible et émouvante, fragile parfois, elle n’a pas la préciosité inerte d’une pièce de musée, elle parle du monde et s’y confronte. Son histoire est celle d’une vie avec tous ses reliefs. Elle sait l’épreuve de l’eau comme celle du feu et n’a pas besoin d’être mise sous cloche pour perdurer. Elle existe et survit tant qu’elle est transmise, c’est le propre des contes.