Chronique

Rasmussen-Flaherty-Rowden-Corsano

Crying in Space

Label / Distribution : Relative Pitch

Dans un premier temps, on a l’impression d’arriver dans un diner de famille, là où on se cherche peu et où on se trouve toujours, où ça s’enguirlande et où ça discute des plus librement. Rien n’est moins surprenant, puisque nous sommes ici entre musiciens intimes, à commencer par le batteur Chris Corsano et son alter ego le saxophoniste Paul Flaherty. Ajoutez à cela le contrebassiste Zach Rowden, et vous avez quelque chose qui peut tenir de la sainte-trinité du chaos : avec « What to Expect When You’re Faking Your Own Death » et la mitraille habile de la batterie qui contient la rage de l’alto de Flaherty sous les coups de boutoir de la contrebasse de Rowden, le quartet nous met tout de suite dans le bain. La présence de la saxophoniste Mette Rasmussen pour compléter l’équipe apparaît dès lors parfaitement naturelle, la puissance de son souffle venant ajouter de la force à l’exutoire.

Il ne faudrait pour autant pas songer que tout se joue à la force des soufflants. La stratégie de tension empruntée par le quartet se nourrit des temps faibles : toujours dans « What to Expect… », alors que Corsano ralentit le train, des espaces apparaissent. Les techniques étendues de Rowden, notamment à l’archet, montrent que le musicien, nourri de Noise Music, offre d’autres univers à explorer, d’autant que Rasmussen joue avec de nombreux objets, comme des appeaux qui permettent d’investir avec Flaherty d’autres terrains que l’agitation permanente. Sur l’excellent « Industrial Sabotage Friday », alors que l’entrée en jeu des saxophonistes se fait très aylerienne, c’est la batterie qui déclenche les hostilités ; Flaherty et Rasmussen tentent de reprendre le cap en dépit des fulgurances de la contrebasse.

Crying in Space est une revendication farouche de liberté totale. Enregistré pour le label Relative Pitch, le disque est dénué d’arrière-pensées ; ça joue et c’est avant tout cela qui compte, tant les membres du quartet aiment le mouvement et le rapport de forces. Encore une fois un disque comme une fête de famille qui, passées les tensions, finit dans une concorde générale.

par Franpi Barriaux // Publié le 9 juillet 2023
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