Chronique

Gebhard Ullmann Basement Research

Impromptus and Other Short Works

Gebhard Ullmann (ts, bcl), Steve Swell (tb), Julian Argüelles (bs), Pascal Niggenkemper (b), Gerald Cleaver (dms)

Label / Distribution : WhyPlayJazz

Depuis 25 ans, périodiquement, Gebhard Ullmann sort de sa cave avec de nouvelles pistes pour Basement Research. Le multianchiste allemand, que l’on a entendu récemment avec le Clarinet Trio, mais aussi Achim Kaufmann ou la chanteuse Vesna Pisarović, a fait de cet orchestre son fleuron, voire sa marque de fabrique. En 1993, à l’époque du premier album sorti sur le label Soul Note, le line-up était différent, mais donnait déjà le tournis (Eskelin, Gress, Haynes…). Plus tard, Malaby est venu se joindre, jusqu’à cette nouvelle mouture où l’instrumentarium a un peu évolué : l’Anglais Julian Argüelles vient renforcer une base rythmique solide et terrienne ; l’autre soufflant est le tromboniste Steve Swell, apôtre du mouvement et de l’énergie. Si l’on ajoute Gerald Cleaver, impressionnant de maîtrise à la batterie (« Sticks ») et la créativité de Pascal Niggenkemper à la basse, on peut juger aisément de la dream team… Surtout lorsque rythmicien et contrebasse se lancent dans un corps-à-corps nerveux sur « 29 shoes », qu’on avait pu déjà entendre avec le Clarinet Trio.
 
Il serait simple de juger inclassables toutes ces miniatures d’apparence disparate qui constituent Impromptus & Other Short Works. Mais Ullmann qui, à l’image de la concorde fanfaronne de « Kleine Figuren », tient une ligne de crête qui trace un trait entre tradition et explosion des formes, sait parfaitement où il va. Lorsqu’on écoute les liens logiques entre le très référentiel « Gospel », avec ses relents mingussiens dans la coulisse de Swell, et l’organisation bruitiste de « 12 Tones » où chaque soufflant à force de vagues successives construit une trame très solide, on comprend que le trait d’union est net et limpide. Marqué par un goût certain pour l’idiosyncrasie et l’amour des choses bien faites.
 
Ce que révèle Ullmann dans ce Basement Research, c’est la multiplicité et la connectivité des surfaces sensibles de sa musique. Bien sûr, il y a les éclats, qui révèlent d’évidentes fougues, comme cette empoignade de soufflants dans « Lines » où Argüelles est si rocailleux qu’on le prendrait pour la tranche la plus saillante de la rythmique. Mais il y a tout ce travail de fond, ces rivières souterraines faites de slaps et d’archet, voire de légers échos dans le jeu d’anche ou d’embouchure qui donnent à ce disque une dynamique et un relief particulier qui rayonne d’énergie. Intense.

par Franpi Barriaux // Publié le 20 octobre 2019
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