Chronique

Renaud Garcia-Fons & Derya Türkan

Silk Moon

Derya Türkan (Kemence d’Istamboul), Renaud Garcia-Fons (b, perc, arr) + Claire Antonini (théorbe).

Label / Distribution : E-motive records

La musique de Renaud Garcia-Fons est celle d’un insatiable voyageur. Tout au long de la dizaine d’albums (Enja) publiés sous son nom depuis une vingtaine d’années, le contrebassiste ne cesse de déclarer sa passion pour un chant intercontinental qui commence par un survol des rivages de sa chère Méditerranée et se poursuit par l’exploration amoureuse de, selon les périples, l’Asie, l’Amérique du Sud, l’Orient ou l’Afrique. On peut aborder l’univers virtuose de Garcia-Fons avec la compilation Au-delà de la contrebasse, parue en 2013 sous la forme d’un CD et d’un DVD incluant un film de Nicolas Dattilesi, où des amis musiciens venaient témoigner de leur admiration pour ce Catalan totalement habité par son art. Parmi ceux-ci, le Stambouliote Derya Türkan, joueur de kemence (une vielle à trois cordes d’Asie centrale que les curieux pourront découvrir à travers une présentation par Türkan lui-même) mais aussi conférencier, musicien nomade ayant eu l’occasion de parcourir le monde, en particulier avec le groupe du flûtiste Kudsi Ergüner, considéré comme l’un des plus grands musiciens turcs et adepte du ney. Türkan est également connu pour son association avec le luthiste Murat Aydemir, qui donnera naissance à l’ensemble Incesaz en 1996.

Le film documentaire montrait la rencontre et les échanges entre Garcia-Fons et Türkan et laissait présager la parution prochaine d’un disque en duo. Celui-ci voit le jour sous le titre de Silk Moon sur le label e-motive Records et constitue une nouvelle pièce à verser au dossier des mélodies du monde que Renaud Garcia-Fons ne cesse d’enrichir d’année en année. C’est un réel bonheur de découvrir l’union entre les deux instruments à archets - le plus grand et le plus petit - qui, loin de s’opposer, associent leurs voix pour une célébration aux accents souvent méditatifs, presque religieux, d’où s’échappent ça et là des mélodies plus enjouées, voire joyeuses, (« A Girl From Istanbul » ou « Bosphorus Nostalgia »). Silk Moon est un disque parcouru d’une émotion et d’une ferveur qui enjambent toutes les frontières géographiques. Car si la musique est ici nourrie d’un brassage naturel d’influences orientales et latines, elle tend vers un universalisme auquel Garcia-Fons nous a accoutumés depuis le début de sa carrière. Le contrebassiste et son compagnon de voyage sont des citoyens du monde et les quatorze compositions de l’album comme autant d’étapes dont le raffinement et la tension vous captivent de bout en bout. Au-delà de la réussite de ce disque lumineux, cette rencontre a des allures d’évidence fraternelle.