Chronique

Renza Bô

In Vivo

Antoine Simoni (b), Franck Enouf (dms), François Chesnel (p), Pierre Millet (tp), Yann Letort (ts)

Label / Distribution : Le Petit Label

Encore quelque chose de différent avec ce quintet bluffant qui vrombit, rugit dès le démarrage de « Vache », fauve et rock dans le volume sonore : la trompette énervée de Pierre Millet éructe, Yann Letort lui répond en barissant au ténor : on est au cœur de la ménagerie, avec même des voix qui braillent ! Pas vraiment reposant sur ce premier titre, dissonant, changeant en permanence de rythme, le groupe nous conduit aussi sur le terrain des fanfares avec cet humour appuyé de l’univers circassien qui plaisait tant à Fellini. Et pour finir ce premier titre (de plus de neuf minutes), un piano engagé qui martèle (François Chesnel que l’on retrouve, abordant un versant très différent dans cette formation , il sollicite de façon plus énergique le grave du piano, ces orages étant très fréquents.)

Enregistré entre 2009 et 2010 dans divers clubs de jazz à Lyon, le Périscope ou la Clef de voûte , le Crescent à Mâcon, l’Echo du Robec (76) ou au Festival de jazz d’Oloron des Rives et des Notes, Renza Bô donne avec cet In Vivo bien trouvé, un aperçu brillant d’un jazz moderne, décomplexé, capable de toutes les volte-faces : ainsi, le deuxième titre, « Mr K », composition du pianiste, nous prend de revers, avec tendresse.

Des combinaisons de timbres abordées avec sensualité dans « Quelque chose », des unissons assez brefs qui font planer et se pâmer en un crescendo délicat. Même si c’est à cinq que les choses prennent corps, sens et forme, les soufflants mènent le jeu, sachant tirer toutes les nuances, du cuivre le plus feutré au plus éclatant : dans « Soumbryss », Pierre Millet, qui est aussi l’auteur de la plupart des compositions, confirme que la musique évolue constamment - les accalmies sont de courte durée - de climats mystérieux en plus percussifs, en un parcours réfléchi mais assez peu balisé qui suppose donc une écoute attentive et complice. Et cette incandescence du live, cette urgence que l’on ressent comme un frisson dans l’échine, dans de nombreux titres comme « Stomeingue » ou « Daptoukadada ». Sans parler de la course-poursuite ébouriffée du final « Voronej » (ne nous demandez surtout pas ce que signifient ces titres).
D’où vient ce groupe dont on n’avait jamais entendu parler ? Voilà bien la preuve que l’on ne roupille pas en province ! Décidément on vit une époque formidable, si pareille expression d’ un jazz « vif » est possible. LA musique que l’on aime a encore de beaux jours devant elle, alors que cinquante ans se sont écoulés depuis un certain enregistrement de Free Jazz…