Chronique

Robert Glasper

Covered

Robert Glasper (p), Vicente Archer (elb), Damion Reid (dms).

Label / Distribution : Blue Note

Le pianiste texan revient avec un nouvel album enregistré live à Los Angeles l’hiver dernier. Il s’est entouré de Vicente Archer à la basse et Damion Reid à la batterie. Déjà présents sur les albums Canvas et In My Element, ils forment un trio acoustique harmonieux. Covered, paru lui aussi chez Blue Note Records, est aujourd’hui disponible en vinyle, CD et numérique.

Dix ans après la sortie de son premier disque Canvas, auquel avaient participé le chanteur Bilal et le saxophoniste Mark Turner, Robert Glasper puise aux sources de sa musique en composant un projet exclusivement instrumental, enregistré aux studios Capitol. L’ambiance intime donne une couleur familière à ces douze morceaux, on entend le souffle du public et l’élan des musiciens, constamment dans l’échange et le dialogue. Les arrangements jazz occupent le premier plan tandis que la dimension R&B, tout en nuances, vient se glisser dans « Good Morning », « Reckoner » et « Barrangrill », imprégnées de l’esprit de John Legend, Radiohead, Joni Mitchell ou encore Kendrick Lamar (Glasper a notamment collaboré avec ce dernier sur To Pimp A Butterfly). Tout au long de l’album, les notes du pianiste s’envolent par touches légères et exquises, véritable bain de fraîcheur mélodieux pour les esprits lassés du bourdonnement des grandes villes.

Covered s’inscrit dans l’actualité politique et sociale des États-Unis et laisse le champ libre à des voix engagées. Sur les rythmes lents de « Got Over », Harry Belafonte narre les difficultés et les limites qu’il faut parvenir à dépasser quand on est un citoyen noir-américain. Une amertume latente se dégage d’« I’m Dying Of Thirst », inspirée du classique de Kendrick Lamar, quand les voix des opprimés abattus par la police s’expriment et montent à travers d’émouvants murmures d’enfants. Dans cette version revisitée, Glasper dévoile une des mille significations que revêt l’identité noire aujourd’hui - la sienne.

Ce pianiste, compositeur et interprète s’impose depuis quelques années comme figure marquante du jazz contemporain. Ses morceaux à strates multiples, planants, surprenants, parfois disjonctés et malgré tout accessibles, trouvent aussi leur inspiration dans le blues, et le hip-hop (In My Element, 2006). Ce disque hommage au défunt producteur de hip-hop J. Dilla est un tournant pour Glasper, qui affine ses choix, privilégie les expérimentations rythmiques. Il mêle les genres et donne une seconde vie aux morceaux, tout particulièrement dans sa troisième composition « Reckoner », inspirée du titre de Radiohead (In Raibows, 2007).