Chronique

Stéphane Kerecki trio + Tony Malaby

Houria

Stéphane Kerecki (b), Thomas Grimonprez (dm), Matthieu Donarier (ss, ts), Tony Malaby (ss, ts)

Label / Distribution : Zig-Zag Territoires

Avec deux premiers albums réussis et récompensés en leur temps [i], le trio de Stéphane Kerecki s’était déjà imposé comme une des formations les plus excitantes du moment. Sa fluidité, son élégance, l’interaction entre les musiciens et les talents de compositeur de Kerecki réjouissaient nos oreilles attentives à chaque prestation. Autant dire que ce troisième disque, qui plus est accompagné de Tony Malaby, ne pouvait que nous susciter une attente fébrile.

Houria - dont on remarquera la magnifique pochette — célèbre donc la rencontre de Kerecki, Matthieu Donarier aux saxophones et Thomas Grimmonprez à la batterie, avec le saxophoniste Tony Malaby qui, décidément, apprécie beaucoup les musiciens français [1]. Et cette célébration est grandiose : tout ici se nourrit de l’écoute mutuelle. Autour d’un répertoire signé entièrement par le contrebassiste et leader — hormis trois improvisations en duo avec Malaby —, la musique virevolte en toute liberté, swingue ou groove avec une classe et une inspiration évidentes. La complémentarité Malaby/Donarier est une des grandes réussites d’Houria : la rencontre entre les deux timbres, la ligne claire et fluide du Français et la sonorité rauque, profonde et puissante de l’Américain, leur manière si personnelle de construire un solo ou d’accompagner l’autre propulsent la musique vers des sommets. Selon les morceaux ils passent du ténor au soprano, ensemble ou séparément. L’association de deux saxophonistes au sein d’un quartet n’est pas courante ; elle comporte quelques risques. Mais ici la connivence est magique

A leur côté, les atouts connus du trio : le jeu limpide et souple de Kerecki, véritable pilier rythmique, fin mélodiste à la sonorité chaude, et la batterie coloriste de Grimonprez, ici omniprésent ; capable de driver le quartet d’une main de fer ou d’illustrer le propos de ses acolytes en variant les frappes, il se révèle orfèvre en la matière.

Houria, baigné d’une certaine « africanité » dans les rythmes comme dans les lignes mélodiques, est servi par des musiciens à l’imagination fertile dont la cohésion est pour beaucoup dans la réussite du disque. Ces quatre-là parlent le même langage [2] Contrepoints, unissons, ostinatos, solos… tout ici ravit l’oreille, le cerveau et le cœur de l’auditeur.

par Julien Gros-Burdet // Publié le 22 juin 2009

[iStory Tellers (Ella Productions, 2004) et Focus Dance (Zig Zag Territoires, 2007).

[1Il a joué et enregistré avec Bruno Chevillon, Marc Ducret, Michel Portal, Daniel Humair.

[2Kerecki explique notamment qu’il a réduit au maximum les parties écrites, notamment sur « Suite For Tony », dont la moitié a été supprimée tant l’entente était naturelle entre le trio et son invité.