Chronique

Stirrup

Cut

Fred Lonberg-Holm (cello, g), Nick Macri (b), Charles Rumback (dms)

Label / Distribution : Clean Feed

Pur produit de la ville de Chicago, avec des artistes hyperactifs de cette scène, Stirrup est un des multiples formations de l’imposant violoncelliste et guitariste Fred Lonberg-Holm. Cut est le troisième disque du trio, le premier chez Clean Feed. On avait vu l’ancien élève de Braxton avec Malaby dans son justement nommé Cello Trio. On le connaît également pour son Valentine Trio, avec l’une des paires rythmiques les plus symboliques, Frank Rosaly et Jason Roebke… Des musiciens qu’on retrouve régulièrement aux côtés de Christoph Erb, autre complice avec qui Lonberg-Holm a publié les remarqués Screw and Straw et surtout Duope. Une emprise revendiquée dans le free qu’il ne renie pas avec le contrebassiste Nick Macri et le batteur Charles Rumback, mais qui se mâtine d’une forte envie de croiser des ombres hendrixiennes, notamment dans le blues fébrile « Six Minutes to Montrose » ; l’électricité aussi rêche que de la limaille de fer vient nourrir un axe batterie-contrebasse alcalin qui semble repousser tous les assauts des cordes.

Ne pas croire cependant que Lonberg-Holm ait abandonné toute velléité bruitiste. « Domi’s Dream » est l’occasion de longues tirades d’archet aussi pugnaces qu’heurtées. Un jeu volontairement saturé, plein de scories et d’explosivité malgré la légèreté apparente de la mélodie, soutenue par Macri. Le jeu de ce dernier, qui côtoie Lonberg-Holm au sein du quartet Figment, est à l’inverse d’une grande clarté, et fait merveille dans l’apaisé « Five Ruminations » où il s’offre un beau dialogue avec Rumback. Le batteur est un fidèle : il a participé au Lightbox Orchestra, un nonette de percussionnistes dirigé par Lonberg-Holm, et il a ici un rôle axial qui fait le lien dans une configuration très égalitaire. Si l’on y prenait garde, on le croirait assez effacé, se contentant d’un drumming solide. En réalité, c’est lui qui permet l’éclatement des formes, les allers-retours constants entre le Power Trio et un propos plus étendu, presque progressif par moments (« Who We Were »).

On songe, dans ce contraste, aux albums de Thumbscrew. Le jeu de Lonberg-Holm à la guitare comme au violoncelle est moins impulsif que celui d’Halvorson, cependant. Il cherche davantage à explorer la masse, à frotter ses cordes percluses d’effet jusqu’à l’irritation (« Rodney’s Last Ride »), mais il y a cette même dichotomie entre une construction assez classique, pleine d’énergie, et une volonté de casser les codes, à l’instar de la douceur soudaine de « You May Think ». Cut est aussi maniable qu’un scalpel. Son effet est plus proche de la lente estafilade que de la nette entaille. Sans jamais être rasoir.