Chronique

Transit

Quadrologues

Nate Wooley (tp), Seth Misterka (s), Jeff Arnal (dr), Reuben Radding (b)

Label / Distribution : Clean Feed

Album d’improvisation, Quadrologues se situe sur un terrain mouvant, une plaque tournante qui lui permet de glisser d’une grammaire à l’autre, sans jamais se restreindre à un seul et unique idiome. Transit, quartet localisé à New York, rejette tout schéma harmonique ou rythmique préétabli, travaille hors grilles d’accords. Pour autant, il ne tombe pas dans l’abstraction totale, refuse aussi furieusement l’enfermement réductionniste, tout comme il bannit la politique de l’assaut sonique perpétuel. Cependant, et c’est là toute sa singularité et sa force, il en saupoudre parcimonieusement sa musique. Comme on dirait : l’air de rien.

Ainsi, après les tâtonnements et reniflements de « Strata », monte et s’imprime l’entêtante et glorieuse mélodie de « Walking on Fire », aux ondulations orientales griffées de râles. A mi-chemin de « Meeting Ground » se déploient des airs tonitruants de fanfare aylérienne. Sur « Time Isn’t What You Think », Transit démontre encore l’étendue de son registre en une plage de souffles et grésillements abstraits, rehaussés de réminiscences blues.

Pour filer la métaphore footballistique en cette année de Coupe du Monde de triste mémoire nationale, on dira aussi que Quadrologues, où le collectif n’est pas réductible à une somme d’individualités, crée des espaces pour chacun des musiciens, met en place des rampes de lancement, trouve des soutiens, des ouvertures, et jamais ne se désunit dans ses progressions.
Le trompettiste Nate Wooley compte aujourd’hui parmi les figures de proue très productives et créatives des courants post-dixoniens, aux côtés notamment de Peter Evans, Axel Dörner, Greg Kelley. Il opte ici pour un registre relativement classique, guidé par une recherche mélodique efficace. Son association avec le prolixe et polyvalent saxophoniste Seth Misterka, qui débuta chez Anthony Braxton, fonctionne selon un impeccable principe de relais et de complémentarité, tandis que le tandem composé de Jeff Arnal (dr) et Reuben Radding (b) fournit une solide rampe de lancement aux envolées lyriques des souffleurs.

Réinvestissant la formule du quartet sans piano inaugurée par Ornette Coleman, Transit déploie un free jazz vigoureux, empli d’inventions et de fulgurances mélodiques.